Interdiction d'exercer avec des mineurs
Les cantons sont-ils trop laxistes avec les pédophiles?

Les chiffres laissent perplexe. Malgré la mise en œuvre de l'initiative sur les pédophiles, de nombreuses personnes condamnées s'en sortent sans interdiction professionnelle. Le Parlement veut y voir plus clair.
Publié: 20.07.2023 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 20.07.2023 à 06:45 heures
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Toute personne qui consomme de la pornographie enfantine et qui se fait prendre est passible d'une interdiction de travailler avec des enfants. Telle est la loi en vigueur depuis 2019.
Photo: Keystone
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Lea Hartmann

En vigueur depuis 2019, la loi est stricte: quiconque contraint sexuellement un enfant, s'expose devant lui ou consomme de la pornographie enfantine ne pourra plus jamais travailler avec des mineurs de sa vie. C'est ce que souhaitait l'initiative sur les pédophiles, acceptée par les Suisses il y a neuf ans. Ce n'est que dans des «cas particulièrement légers» qu'un tribunal peut renoncer à une telle interdiction d'exercer.

Mais cette disposition est-elle vraiment appliquée aussi strictement? Le doute plane. Selon la «NZZ», les tribunaux ont prononcé 191 interdictions d'exercer une activité avec des mineures en 2021, alors que 241 condamnations ont été prononcées pour des actes sexuels avec des enfants la même année. On compte aussi près de 800 cas de pornographie illégale sur cette période. À cela s'ajoutent des condamnations pour viol ou agressions d'enfants. Il n'existe pas de chiffres distincts pour ce type de délits.

Les tribunaux sont-ils trop laxistes?

En comparant le nombre de délits et de condamnations, une question se pose: les tribunaux sont-ils trop laxistes? Il existe plusieurs explications. Un cas de consommation de pornographie infantile peut par exemple rester sans interdiction d'exercer s'il a été commis avant 2019, lorsque la loi n'était pas encore en vigueur. Mais la «NZZ» suppose qu'il pourrait y avoir une autre raison: les tribunaux cantonaux interpréteraient la loi de manière trop souple et s'en remettraient trop souvent au cas de rigueur.

Cela réveille les souvenirs de la mise en œuvre de l'initiative sur le renvoi des étrangers. Il y a quelques années, les autorités de poursuite pénale avaient été épinglées, car elles renonçaient bien plus souvent que supposé à l'expulsion d'étrangers criminels en raison de cas de rigueur. Au grand dam de l'UDC, qui avait déposé l'initiative.

L'UDC veut y voir clair

Dans le camp bourgeois, on craint qu'il en soit désormais de même avec l'initiative sur les pédophiles. Pour la conseillère nationale zurichoise Barbara Steinemann (UDC), il faut «absolument aller au fond des choses». Lors de la session d'automne, elle veut mettre le Conseil fédéral face à la réalité des chiffres. Comment expliquer le fait que, comparativement, aussi peu d'interdictions professionnelles ont été prononcées? «Si le Conseil fédéral ne peut pas fournir de réponse valable, je demanderai des éclaircissements par voie d'intervention», prévient-elle.

Le conseiller aux États d'Appenzell Rhodes-Extérieures Andrea Caroni demande lui aussi des explications. «Je saluerais une enquête scientifique», clame le PLR. Il se pourrait toutefois qu'il y ait tout simplement de très nombreux cas dits mineurs pour lesquels la prononciation d'une interdiction d'exercer serait exagérée, fait-il remarquer.

Des économies de temps et d'argent

Il est également possible que, comme dans le cas des expulsions, les procureurs de certains cantons règlent de leur propre chef les petits délits sexuels et pornographiques par ordonnance pénale sans les porter devant le tribunal. Ce serait le cas dans le canton de Berne, pour des raisons d'économie de temps et d'argent. Pour prononcer une interdiction d'exercer, il faut pourtant bien s'en remettre à un tribunal. Les Ministères publics peuvent, quant à eux, faire usage des clauses de rigueur. Et c'est là le nœud du problème.

A l'avenir, le Parlement souhaite que seuls les tribunaux puissent statuer sur les cas de rigueur. «Le Conseil fédéral devrait examiner les interdictions d'exercer une activité pour les pédocriminels», poursuit Andrea Caroni. Dans le cas contraire, le politicien PLR thématisera lui-même cette question au sein de la Commission juridique du Conseil des États.

Le conseiller national UDC zurichois Gregor Rutz estime aussi que la pratique au niveau cantonal est critique. Il s'était lui-même fortement engagé en faveur de l'initiative sur les pédophiles. «Il faut garder un œil sur l'évolution des chiffres», estime-t-il. Il rassure toutefois: «Contrairement à l'initiative sur le renvoi des étrangers, le tribunal interprète la loi de manière stricte quand un cas est porté jusqu'à lui.» Ce signal est important.

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