Deux fronts se dessinent parmi les partis suisses dans l'attitude à adopter face aux surcoûts potentiels d'acquisition des 36 avions de combat F-35. La gauche exige l'abandon pur et simple de la transaction, tandis que les partis bourgeois veulent maintenir l'achat pour éviter tout nouveau retard.
«Il est étonnant et profondément décevant que le Conseil fédéral continue d’affirmer qu'un prix fixe est garanti, déclare Pauline Schneider, secrétaire du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), membre de l'alliance Stop F-35, avec le Parti socialiste et les Vert-e-s. La Confédération doit renoncer à cet achat aux Etats-Unis!»
Selon elle, il n’existe tout simplement aucune base juridique aux Etats-Unis obligeant les contribuables américains à assumer les risques liés aux ventes militaires à l’étranger. «Le Conseil fédéral bâtit sa politique de sécurité sur du sable».
«Pour faire passer le F-35, on a menti et triché», a de son côté réagi le conseiller national Fabian Molina (PS/ZH), membre de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national. Selon lui, les voix critiques ont été «ridiculisées et réduites au silence». Le peuple est maintenant assis sur un «dommage de plusieurs milliards» à cause de la politique de sécurité bourgeoise.
Un équipement nécessaire?
A l'inverse, la conseillère aux Etats y (Centre/AG) défend l'achat des avions, même en cas de prix plus élevé. Dans un contexte international tendu, la Suisse a besoin de cet équipement pour pouvoir se défendre. Un nouveau retard serait «très difficile», a fait valoir l'Argovienne, membre de la Commission de politique de sécurité du Conseil des Etats.
Pour le conseiller national du Parti libéral-radical (PLR) Peter Schilliger, membre de la commission des finances, la Suisse doit à présent essayer de minimiser les dégâts dans ce dossier. Mais face au gouvernement de Donald Trump, il sera probablement difficile d'imposer l'achat des appareils au prix négocié. «Il faudra probablement faire certaines concessions», a déclaré le Lucernois à Keystone-ATS.
A ses yeux, les alternatives sont faibles: soit on risque un conflit avec les Etats-Unis, ce qui n'aurait probablement pas d'issue positive, soit on met l'accent sur une autre acquisition, ce qui entraînerait à nouveau des retards.
«Fiasco honteux»
L'Union démocratique du centre (UDC) dénonce pour sa part le «fiasco honteux» des coûts d'achat du F-35. «Apparemment, le Conseil fédéral et ses fonctionnaires n'ont pas été capables de conclure un contrat à prix fixe», écrit le parti conservateur dans un communiqué. «La population est une nouvelle fois roulée dans la farine».
Le parti n'est pas tendre avec l'ancienne conseillère fédérale centriste Viola Amherd, accusée d'être la «responsable principale du désastre». Il lui reproche d'autres «graves erreurs», citant des projets d'armement bâclés, le scandale de corruption chez Ruag ou encore la politique en matière de genre ou de biodiversité du Département de la défense sous la conduite de la Haut-Valaisanne.
Enfin, les Vert'libéraux exigent une transparence totale dans l'achat des F-35. Ils demandent une enquête sans failles pour savoir si des erreurs ont été commises et si oui, lesquelles. Armasuisse et les autres services impliqués doivent assumer la responsabilité de cette évolution.
Le parti milite pour maintien de l'achat, mais au prix convenu. En cas de retrait, des millions de francs seraient perdus et le pays n'aurait plus d'armée de l'air opérationnelle dans un avenir prévisible.
Stop au système Patriot
En raison de surcoûts probables, l'alliance Stop F-35 exige par ailleurs la suspension immédiate de l'achat système de défense sol-air Patriot. «Si le Conseil fédéral devait néanmoins s'obstiner dans cet achat, il devrait soumettre les éventuels coûts supplémentaires au Parlement sous la forme d’un crédit supplémentaire que l'on pourrait attaquer par référendum», estime la présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone.
Plus globalement, l'alliance de gauche demande une refonte considérable de la politique de sécurité du pays. Au lieu de se rendre dépendante des Etats-Unis, la Suisse devrait miser davantage sur la coopération avec ses partenaires européens.