«Il y a encore trop de timidité»
Des avocats romands du climat s'associent pour passer à l'offensive

En Suisse romande, les avocats pour le climat ont décidé de passer de la défense à l'attaque. Ils ont créé une association sans but lucratif dont l'objectif est de porter à la connaissance des tribunaux des affaires soulevant des questions de protection du climat.
Publié: 16.09.2022 à 14:40 heures
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Dernière mise à jour: 16.09.2022 à 17:05 heures
Sept des onze membres fondateurs de l'Assocation Avocat-e-s pour le Climat, vendredi à Lausanne.
Photo: JEAN-CHRISTOPHE BOTT

C'est un tournant stratégique dans les procès climatiques. Sous l'impulsion des manifestations pour le climat depuis 2019, le nombre de procès contre des militants proclimat a explosé. En deux ans, quelque 80 avocats ont défendu bénévolement des citoyens ayant participé à de telles actions. Désormais, une poignée de ces avocats veulent unir leurs forces au niveau romand pour l'instant afin de donner un «nouveau souffle» à la justice climatique.

Sept des onze membres fondateurs de l'Association «Avocat-e-s pour le Climat» (auxiliaires de la justice climatique), constituée en septembre 2021 déjà, ont publiquement présenté vendredi à Lausanne leur rôle et leurs objectifs devant la presse. Sans but lucratif et apartisane, elle compte grossir ses rangs grâce au réseau des multiples dizaines d'avocats ayant défendu des activistes proclimat.

«Jusqu'ici, il s'agissait de défendre des citoyens poursuivis par l'Etat pour leur engagement climatique», ont expliqué ses responsables. «Nous renversons aujourd'hui cette logique afin que l'accusé change de camp et offrons la possibilité aux citoyens de poursuivre à leur tour l'Etat ainsi que les entreprises les plus polluantes, car ce sont bien eux, et non les citoyens engagés, qui sont les responsables du réchauffement climatique», disent-ils.

«Il y a encore trop de timidité»

«Nous en avons marre d'être toujours du côté de la défense», a affirmé Irène Wettstein, avocate à Vevey. «Il s'agit de passer à l'offensive face à l'attentisme judiciaire en Suisse qui est regrettable», explique-t-elle. «Aujourd'hui, la justice suisse n'est pas encore à la hauteur de l'enjeu climatique», renchérit Raphaël Mahaim, conseiller national (Vert/VD) et également membre fondateur de l'association.

«Il y a encore trop de timidité et pas assez de familiarité dans la population par rapport aux dispositions légales sur les questions climatiques», constate Raphaël Mahaim. «Or c'est bien de droit qu'il s'agit et non de politique», une fois les lois établies comme par exemple la loi sur le CO2, insiste-t-il.

Selon l'association, trop peu d'affaires climatiques remontent dans les tribunaux suisses, à part les procès d'activistes. Et de citer le seul cas de procès climatique en responsabilité civile en Suisse: Holcim à qui les habitants de l'île indonésienne de Pulau Pari demandent une indemnisation pour les dommages causés par le réchauffement climatique. Quatre d'entre eux ont en effet déposé une requête de conciliation à Zoug face au géant du ciment.

Procédures en préparation

A l'image de ce qui se passe notamment aux Pays-Bas, en Allemgane ou en France, Avocat-e-s pour le Climat veut donc mettre en place des procès, qu'il s'agisse d'actions en responsabilité de l'Etat, de demandes dirigées contre des entreprises polluantes ou encore de procédures destinées à bloquer des constructions autorisées mais illégales. L'association est aussi composée d'experts, de professeurs de droit et d'étudiants.

Elle a d'ailleurs annoncé vendredi avoir deux procédures en préparation. L'une concerne une action en responsabilité de la Confédération – au nom d'une quinzaine de mandataires paysans, dont des associations, affectés par les dérèglements climatiques –, pour non respect aux exigences de la loi sur le C02. Elle pourrait être déposée d'ici début 2023.

Une autre vise des entreprises (non citées) pour concurrence déloyale s'agissant de fausses ou fallacieuses informations sur des fonds d'investissement prétendus écologiques et durables. Cette procédure engagée au nom de l'association elle-même devrait être bouclée d'ici la fin de l'année.

«Il y a actuellement un mouvement d'une ampleur exceptionnelle et inédite avec sans doute bien plus de 2000 affaires climatiques en cours devant la justice à travers le monde», relève Raphaël Mahaim. L'association compte tendre ses bras à des avocats du climat alémaniques et dit aussi vouloir collaborer avec des ONG internationale du même type.

(ATS)

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