La Suisse serait-elle devenue insensible? Seules les personnes venant de régions d'Ukraine où leur vie ou leur intégrité physique est concrètement menacée pourront obtenir le statut de protection S en Suisse. Poussé par le Parlement, le Conseil fédéral a décidé ce mercredi 25 juin de durcir le statut S pour les Ukrainiens. Désormais, seules les personnes venant de régions d'Ukraine où leur vie ou leur intégrité physique est concrètement menacée pourront obtenir le statut de protection S en Suisse.
Sous l'impulsion de la conseillère aux Etats Esther Friedli (UDC), le ministre de la Justice, Beat Jans, devra sélectionner les régions ukrainiennes considérées suffisamment sûres.
D'après nos sources, Beat Jans doit soumettre cette semaine ses idées au Conseil fédéral. Mais l'UDC veut même aller plus loin: dans une intervention, le parti demande la suppression du statut de protection S, pour que les réfugiés ukrainiens soient soumis à une procédure d'asile ordinaire.
Les informations sur les bombardements sont «douloureuses»
Anastasiia Ilchenko est directement concernée par ce changement. Elle a fui en Suisse il y a trois ans et s'est intégrée peu à peu. Depuis un an, elle travaille au Centre de promotion de l'intégration du canton de Bâle-Campagne et s'engage au Parlement des réfugiés. «Ce que les politiciens décident me concerne directement. Leurs décisions influencent ma vie, mes projets, mon avenir», nous explique-t-elle.
Elle ne comprend pas du tout les déclarations du chef de groupe UDC, Thomas Aeschi. Elle veut faire passer un message: «Il n'y a pas de zones sûres en Ukraine! La ligne de front n'est pas claire.» Les missiles de Poutine peuvent tomber n'importe où: «Il bombarde tout le pays.» Ces dernières semaines, sa ville natale, Krementchouk, au centre de l'Ukraine, a de nouveau été bombardée. Les informations sur ces nouvelles attaques sont «douloureuses» pour elle.
Depuis le début de la guerre, elle est hébergée chez sa tante à Pratteln (BL), qui vit en Suisse depuis plus de dix ans. Au sein de la communauté ukrainienne, les débats politiques créent une grande insécurité, voir de la panique. «Beaucoup ont peur de se réveiller un matin et de devoir faire leurs valises.» Elle craint que ce type de propositions politiques rendent leur intégration professionnelle plus difficile: «Quel employeur voudrait embaucher des personnes qui ne peuvent pas rester?»
«Les déclarations de l'UDC nous font peur»
Anastasiia interpelle directement Thomas Aeschi et ses collègues: «Il devrait venir nous rencontrer, nous les Ukrainiens, pour que nous puissions en parler. Une rencontre permettrait peut-être de dissiper les malentendus.»
Plusieurs de ses compatriotes se sont intégrés en Suisse, ont trouvé du travail et se sont détachés de l'aide sociale. «Beaucoup d'Ukrainiens se donnent du mal pour rebondir en Suisse. Ces déclarations de l'UDC nous font peur.» Elle-même a des amis et un emploi fixe, et espère retrouver un semblant de normalité. «Après avoir appris cette information, je suis de nouveau inquiète pour mon avenir ici.»