La question de la suppression de la valeur locative soulève de vives émotions. Cet impôt, qui frappe un revenu locatif fictif des propriétaires, divise la Suisse depuis des années. Après des années de tractations au Parlement, une majorité bourgeoise s'est dégagée en faveur du changement de système. Le camp de la gauche et des Vert-e-s s'y est opposé. Pour lui, les pertes fiscales redoutées d'environ 2 milliards de francs pour la Confédération, les cantons et les communes sont trop élevées.
Les propriétaires ne sont pas unanimes non plus: alors que l'Association des propriétaires fonciers (APF), d'orientation bourgeoise, mène une campagne de plusieurs millions pour le oui, l'association des propriétaires fonciers Casafair, d'orientation gauche-verte, s'y oppose. Dans le même temps, une alliance de l'artisanat met en garde contre le fait que les rénovations seraient moins nombreuses.
Certaines déductions disparaissent
Mais concrètement, qu'apporterait l'approbation de ce projet aux propriétaires? Le grand changement, c’est que la valeur locative ne serait plus imposée. En contrepartie, certaines déductions fiscales disparaîtraient: notamment celles liées aux intérêts hypothécaires et aux frais d'entretien.
Au final, tout dépend de la situation de chacun. «Selon les cas, le changement de système pourrait avoir un effet positif ou négatif sur la facture fiscale», explique l'expert fiscal Tom Kaufmann de la société de conseil BDO.
En collaboration avec l'expert fiscal Lukas Kretz, Tom Kaufmann a donc calculé pour Blick différents cas de figure. Ils prennent à chaque fois l'exemple d'un couple marié dans trois cantons différents avec des conditions de base similaires en termes de fortune, de revenu et d'hypothèque.
Les résultats varient aussi selon d'autres facteurs: niveau actuel et futur des taux d’intérêt, existence d’un bien locatif, travaux planifiés comme la rénovation d’une cuisine, ou encore situation d’un jeune couple qui achète pour la première fois.
«Fluctuations au niveau individuel»
«Les effets de la réforme fluctuent énormément au niveau individuel, mais ces exemples permettent de voir les grandes lignes», explique Tom Kaufmann. Il est ainsi possible d'estimer grossièrement qui profiterait de la suppression de la valeur locative et qui y perdrait au change.
«Dans le contexte actuel des taux d'intérêt, les personnes ayant une hypothèque basse ont tendance à profiter fiscalement de la suppression», explique l'expert. Les seniors, par exemple, qui ont largement remboursé leur hypothèque au fil des ans, font partie de cette catégorie. De même que les personnes aisées qui auraient pu se permettre un remboursement. «Mais aussi les plus jeunes qui ont peut-être pu faire une avance sur héritage.»
Ceux qui habitent dans une maison neuve ou récemment rénovée s'en sortent également mieux dans un premier temps. «Cela s'explique par le fait que les frais d'entretien sont moindres, voire inexistants – donc le fait que ces déductions fiscales soient supprimées joue un rôle moindre», explique Tom Kaufmann.
En revanche, les grands perdants seraient les ménages lourdement hypothéqués, avec des charges d’intérêts élevées.
Point de bascule à environ 3%
L’analyse repose toutefois sur le contexte actuel de taux bas. Si les intérêts devaient grimper, l’équilibre changerait: «Avec un taux hypothécaire d'environ 3%, l'avantage pour les bénéficiaires actuels se transforme en inconvénient», explique Tom Kaufmann, «la charge fiscale augmente alors et le budget fédéral reçoit des recettes supplémentaires».
Le fiscaliste part du principe qu'une acceptation du projet serait liée à d'autres effets. «En raison de la suppression des déductions, à l'avenir, il deviendrait plus intéressant d'acheter des maisons bien entretenues ou neuves pour lesquelles aucun entretien n'est prévu», dit-il.
En revanche, les rénovations deviendraient moins intéressantes pour les propriétaires occupants. «Dans le même temps, l'incitation à l'endettement devrait diminuer et, par conséquent, le volume des hypothèques devrait être réduit à long terme.» Le 28 septembre, les électeurs décideront aux urnes de la direction à prendre. En cas de oui, le changement de système sera probablement mis en œuvre début 2028.