Le privé comme remède
«Ils ont accueilli une enfant brisée par l'école publique et l'ont sauvée»

Pour la première fois en Suisse, une étude se penche sur ce qui motive les parents à retirer leurs enfants de l'école obligatoire. Trois familles racontent leurs expériences.
Publié: 09:38 heures
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Dernière mise à jour: 09:49 heures
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A l'école primaire, elle a perdu la foi en elle-même: Amelia (à droite) avec sa mère Barbara Phillips et sa sœur Rosa.
Photo: DR
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Karen Schärer

Barbara et Robin Phillips ne mâchent pas leurs mots: «L'école publique a brisé notre enfant.» Ces parents de quatre enfants de 27, 19, 14 et 11 ans ont tiré le frein d'urgence lorsque l'école a exercé une pression «énorme» sur leur deuxième plus jeune fille, Amelia. Au point qu'elle s'est «effondrée». «Elle a perdu toute confiance en elle, s'est bloquée et a refusé toute activité scolaire», confient les parents. 

Comment en est-on arriver là? Avec le passage imminent en 4e année, avec des notes obligatoires, l'école avait informé les Philips qu'il n'était désormais plus possible d'ignorer les résultats de leur fille. «Pour moi, cette phrase a été violente», se remémore Barbara Phillips. «L'école n'était pas censée ignorer les performances de mon enfant, et pas seulement lorsqu'il s'agit de notes.»

Un manque de flexibilité

Les enfants plus âgés de cette famille obwaldienne avaient déjà eu quelques difficultés scolaires. Ayant passé les premières années de leur vie en Amérique du Nord, ils étaient en retard sur certaines matières. «Comme Amelia ne savait pas bien lire, elle était pénalisée dans d'autres matières. Et l'école lui faisait constamment comprendre qu'elle n'était pas assez bonne», raconte le père. Jusqu'à ce qu'elle finisse par s'en convaincre elle-même. 

Seulement voilà: comme pour leur fils aîné, l'examen psychologique scolaire d'Amelia n'a rien révélé de particulier. «Notre enfant n'entrait tout simplement pas dans le cadre normatif scolaire et l'école ne faisait preuve d'aucune flexibilité.»

Le privé comme plan B

Les familles qui ne sont pas satisfaites de l'école publique n'ont généralement pas d'autre choix que de se tourner vers le privé. Pour la première fois en Suisse, une étude – pas encore publiée – analyse la motivation des parents à effectuer un tel changement. Des chercheurs de la Haute école de psychologie appliquée FHNW ont interrogé près de 80 familles par le biais d'un questionnaire, et ont mené des entretiens approfondis avec une bonne douzaine d'entre elles.

«Souvent, les parents placent leur enfant en école privée uniquement lorsqu'il y a des problèmes à l'école publique, ou que l'encadrement dans le public n'est pas suffisamment garanti à leurs yeux», explique la responsable de l'étude, Jasmin Näpfli. Les familles interrogées ne souhaitent donc pas que leur enfant fréquente une école privée par principe. 

Un meilleur cadre pour les enfants qui se sentent mal

La plupart du temps, les parents cherchent une alternative parce que leur enfant ne se sent pas bien à l'école publique. Cela peut être lié à des difficultés sociales, à un manque de soutien ou à un sentiment de découragement face aux exigences scolaires.

«Les parents sont particulièrement sensibles à certains aspects des écoles privées, comme la valorisation de la motivation intrinsèque et l'encouragement de la curiosité pour l'apprentissage», explique la chercheuse. Un concept éducatif convaincant, une faible pression liée à la performance et des formes d’enseignement plus ouvertes figurent parmi les aspects pédagogiques et structurels qui ont su les séduire.

Les parents évoquent souvent la pression ressentie dans le public. «A l'école privée, Gabriel ne ressent plus la pression de devoir fonctionner comme tout le monde», relève Aline van der Vrande. Son fils, aujourd'hui âgé de 12 ans, a changé d'établissement primaire. Auparavant, Gabriel se faisait remarquer en classe parce qu'il n'était pas aussi réactif que les autres. Il était parfois trop bruyant, ou s'isolait lorsque les choses devenaient trop lourdes pour lui. Résultat: une pression constante de la part de l’école et les moqueries de ses camarades.

Un changement drastique

Un père de Suisse orientale, qui souhaite rester anonyme, raconte comment son fils de première primaire a été harcelé. Déjà affecté par des angoisses, il s'est progressivement replié sur lui-même, jusqu'à complètement refuser d'aller à l'école. La mère, qui voulait accompagner son fils jusqu'à la salle de classe, a été expulsée de l'école.

Les parents ont alors retiré leur enfant au cours de l'année scolaire. Il fréquente depuis quelques mois une petite école privée. «Là-bas, il n'y a plus de pression. Il n'a pas de devoirs à faire et peut choisir parmi différents projets pédagogiques. Il peut aussi apprendre des enfants plus âgés et fixer lui-même des limites. Aujourd'hui, c'est un garçon joyeux», explique le père.

Le couple Phillips rapporte des faits similaires. Leur fille Amelia a non seulement rattrapé son retard à l'école primaire de Sarnen (OW), mais elle est aujourd'hui à la hauteur dans toutes les matières. Même son caractère s’en est trouvé transformé. «Elle s'est épanouie et a beaucoup plus confiance en elle», estime sa mère. Et le père d'ajouter: «Ils ont accueilli une enfant qui était brisée par l'école publique et ils l'ont sauvée. Nous en sommes infiniment reconnaissants.»

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