La population suisse doit composer avec une électricité nettement plus couteuse qu’autrefois. Et la baisse des prix qui devrait être annoncée ce mardi 9 septembre ne devrait pas changer grand chose: la facture devrait certes s'alléger, mais dans les faits, les ménages économiseront de quoi s'offrir un café crème de plus par mois en moyenne.
Aujourd’hui, un foyer vivant dans un cinq-pièces paie une facture d'électricité médiane de 1305 francs par an, soit 350 francs de plus qu’en 2022. La guerre en Ukraine avait fait flamber les prix, et même si les cours de marché ont depuis reculé, les ménages suisses paient bien plus pour avoir du courant qu'ils ne le faisaient avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.
La stratégie d'achat est centrale pour le prix
«Les prix de l'électricité dépendent fortement de la stratégie d’achat des fournisseurs», explique Andreas Tresch, associé-gérant du prestataire énergétique Enerprice à Root, dans le canton de Lucerne. En 2025, les prix de marché ont parfois été de 10 à 30% plus bas que l’année précédente. Selon leur stratégie, certains fournisseurs ont pu en faire profiter leurs clients.
En Suisse, on compte environ 600 fournisseurs d’électricité. Une minorité produit elle-même du courant, mais la plupart doivent couvrir la demande en achetant l'ensemble de leur électricité sur le marché. Ceux qui répartissent leurs achats sur plusieurs années amortissent mieux les hausses de prix. En revanche, ceux qui avaient acheté de grandes quantités à des prix records en 2022 en subissent encore les conséquences.
Résultat des courses: chez certains petits fournisseurs, moins bien armés, les tarifs ont pris l'ascenseur ces dernières années. «Beaucoup de petits exploitants de réseaux ne survivent que parce que les ménages ne peuvent pas choisir librement leur fournisseur», observe Andreas Tresch. Malgré cette absence actuelle de marché, il prévoit une consolidation du secteur dans les années à venir.
L'électricité solaire augmente les coûts du réseau
Bien que de nombreux fournisseurs aient pu acheter de l’électricité à des prix plus avantageux pour 2025, ils doivent aujourd’hui assumer des coûts plus élevés pour l’énergie dite «d’équilibrage», qui, comme son nom l'indique, vise à garantir l'équilibre entre la production et la consommation sur le réseau électrique. A ce titre, l’essor massif du solaire en est une des principales causes de cette flambée des prix.
«Les fortes fluctuations de production compliquent la planification des achats et font grimper ces coûts», souligne Andreas Tresch. La part croissante de l’éolien accentue également cette tendance.
Pour qu’un réseau reste stable, l’offre et la demande doivent en permanence s’équilibrer. Mais lors des journées ensoleillées, les quartiers très équipés en panneaux solaires produisent bien trop d’électricité. Les services publics sont alors contraints de renforcer leurs infrastructures pour absorber le trop-plein d'énergie. «Cela entraîne une hausse des prix d’accès au réseau pour de nombreux exploitants», explique Andreas Tresch.
L'envol des tarifs dynamiques
L’autoconsommation joue aussi un rôle. En effet, comme les ménages produisent une partie de leur propre courant, les volumes de vente baissent, forçant les distributeurs à relever leurs tarifs par kilowattheure. Le développement du photovoltaïque pousse en outre les fournisseurs à adopter des tarifs saisonniers. «Facturer plus cher le jour et moins cher la nuit n’a plus aucun sens avec l’énergie solaire», poursuit l’expert.
Conséquence directe de cette tendance: les tarifs dits dynamiques ont la cote. Ceux-ci consistent à faire varier le prix de l’électricité en fonction de la charge du réseau, de l’offre et de la demande, au lieu d’appliquer un tarif fixe. Concrètement, l’électricité peut coûter plus cher aux heures de forte consommation et moins cher lorsque le réseau est peu sollicité. De plus en plus de fournisseurs suisses adoptent ce modèle, à l’image d'EKZ, qui l'applique non seulement au prix de l’énergie, mais aussi aux frais de réseau.
Ce système s’avère particulièrement intéressant pour les ménages équipés de voitures électriques, de chauffe-eau, de batteries ou de pompes à chaleur: en programmant leurs appareils aux moments les moins chers, ils réduisent leur facture. L’instauration de tels tarifs suppose toutefois l’installation de compteurs intelligents et des investissements de la part des distributeurs dans les systèmes de gestion énergétique.
Les autres frais en baisse
Enfin, du côté des autres frais liés à l'énergie, la tendance semble légèrement à la baisse. Si la contribution à la réserve d’électricité est en nette augmentation, les taxes pour les services de système de Swissgrid, la société nationale de gestion du réseau, observent un net recul.
Reste que la transition énergétique, la modernisation des infrastructures et les défis liés à la sécurité d’approvisionnement continueront de peser sur les coûts dans les années à venir.