Les parlementaires se sont bruyamment battus pour obtenir l'accès aux traités secrets de l’UE. Et ils ont fini par avoir gain de cause: mercredi, le Conseil fédéral a cédé à la pression et a décidé que tous les membres du Parlement pourraient consulter les textes des accords.
Le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, met ainsi un terme à de longues querelles. Jusqu’ici, seuls quelques parlementaires triés sur le volet avaient eu accès à ces documents strictement confidentiels, ce qui avait suscité un tollé. Face à la controverse, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avait initialement décidé d’autoriser deux membres par groupe parlementaire à consulter les traités.
Mais cette solution n’a pas satisfait les membres de la Commission de politique extérieure du Conseil national. Ils ont même adressé une lettre de protestation à Ignazio Cassis, exigeant que tous les parlementaires aient accès aux documents. Le conseiller national UDC Alfred Heer a par ailleurs annoncé son intention de soumettre cette procédure inhabituelle à la commission de gestion du Conseil national.
Des parlementaires indifférents?
Un véritable charivari! Et la montagne semble avoir accouché d'une souris: à la date de vendredi, seuls cinq parlementaires s’étaient annoncés pour consulter les documents, comme l’indique le DFAE sur demande. Difficile, dans ces conditions, de parler d’un «intérêt parlementaire extraordinaire» auquel le Conseil fédéral aurait voulu répondre par cette décision.
Nos élus seraient-ils indifférents aux détails du traité? Le conseiller national PLR Simon Michel, lui, n’a pas tardé: il s’est présenté à un rendez-vous à peine quelques minutes après avoir reçu l’invitation, comme il le confie à Blick.
D’autres politiciennes et politiciens préfèrent sans doute attendre le mois de juin, lorsque les accords seront rendus publics. Ils pourront alors prendre le temps d’étudier ce pavé de 800 pages avec toute l’attention qu’il mérite. Lors de la consultation anticipée, le temps de lecture est en effet limité: les parlementaires peuvent prendre des notes manuscrites, mais les photos sont interdites.
Le point sensible de la clause de sauvegarde
Quoi qu’il en soit, même après la publication des traités, de nombreuses questions essentielles resteront sans réponse. L’un des principaux points d’achoppement concerne l’immigration. L’accord avec Bruxelles ne fixe que des principes généraux – tout le reste devra être réglé dans le cadre de la politique intérieure.
Et cela ne fait que commencer. Mercredi, le conseiller fédéral Beat Jans a présenté le fonctionnement de la clause de sauvegarde, censée limiter l’immigration en provenance de l’UE. Cette clause permet désormais à la Confédération de l’activer unilatéralement si l’immigration européenne engendre de «graves problèmes économiques ou sociaux» en Suisse.
L'expérience du Liechtenstein
Certes, l’UDC considère cette clause avant tout comme une «manœuvre de diversion». Mais l’activation d’une telle mesure ne serait pas une première au sein de l’UE. Membre de l’Espace économique européen (EEE), le Liechtenstein dispose lui aussi d’une clause de sauvegarde.
En 1999, la principauté l’avait activée, après l’expiration d’une période transitoire encadrant un droit d’établissement restreint. Ce petit Etat voulait ainsi éviter une forte hausse de l’immigration pendant les négociations visant à prolonger cette période. Georges Baur, qui a longtemps été chef adjoint de la mission du Liechtenstein à Bruxelles, se souvient: «L’UE n’était pas enthousiaste, mais elle n’a finalement rien fait», explique-t-il.
Georges Baur fait confiance au Conseil fédéral pour user de cette clause avec discernement. Selon lui, elle offre à la Suisse une large marge de manœuvre: «Je pensais que la Suisse allait bien négocier, mais le résultat dépasse mes attentes», affirme-t-il. Pour autant, cette clause ne sera sans doute pas activée à la légère: «Le Conseil fédéral sait qu’il devra avoir un dossier solide pour le faire», conclut-il.