La décision du Conseil fédéral fait scandale chez les opposants à l’Union européenne (UE). Le nouvel accord européen ne devrait être soumis qu’au référendum facultatif. Cela signifie qu’il suffira d’une majorité populaire pour approuver le paquet – la majorité des cantons, exigée dans un référendum obligatoire, ne serait pas nécessaire. Et les opposants devront récolter 50’000 signatures pour qu’un vote ait lieu.
«C’est un scandale», s’insurge l’Union démocratique du centre (UDC). Le parti réclame un référendum obligatoire pour ce qu’il qualifie de «traité de soumission à l’UE», ce qui impliquerait une double majorité, du peuple et des cantons. À l’inverse, de nombreux partisans de l’accord estiment qu’une majorité populaire suffit. Pour l’heure, le Parlement n’a pas encore tranché. Une chose est certaine: la polémique enfle, et d’autres querelles sont déjà en vue.
L'initiative «Boussole» comme solution
Cette querelle pourrait être évitée, selon la conseillère nationale socialiste Jacqueline Badran (PS). La clé? L’initiative «Boussole», dite «Kompass», qui exige que les traités internationaux prévoyant l’adoption de normes législatives importantes soient soumis au vote du peuple et des cantons. Cela concernerait aussi les accords avec l’UE, si ceux-ci devaient passer devant le peuple sans majorité des cantons – à condition que l’initiative soit acceptée.
Jacqueline Badran ne soutient pourtant pas le texte. «Je le rejette», affirme-t-elle sans ambages. Mais elle y voit une issue au débat. «L’initiative sera bientôt déposée et ne peut pas être simplement ignorée. Ce n’est donc ni au Conseil fédéral ni au Parlement d’anticiper une décision populaire dans cette situation initiale.»
Samedi, le comité «Boussole» appelle à une journée nationale de récolte pour le sprint final: il prévoit de déposer l’initiative cet été. Jacqueline Badran insiste pour qu’elle soit rapidement traitée par les autorités et soumise au peuple. «L’affaire est claire, nous n’avons pas besoin de discuter d’un contre-projet.»
Le Conseil fédéral est-il trop pressé?
La votation sur l’initiative «Boussole» pourrait avoir lieu dès 2026. Les nouveaux accords avec l’UE, eux, ne seront probablement pas soumis au peuple avant 2028. «Le peuple pourra ainsi décider à temps s’il veut ou non soumettre les traités européens à la majorité des cantons, explique Jacqueline Badran. Nous pourrons ainsi nous épargner toutes les querelles et l’incertitude.»
Elle ne comprend pas pourquoi le Conseil fédéral veut trancher la question dès aujourd’hui. «Du point de vue de la feuille de route, c’est inutile, même si le Conseil fédéral a raison sur le fond», estime la Zurichoise. Selon elle, la situation juridique actuelle est limpide: un référendum facultatif, donc une simple majorité populaire, suffit. «Si ce n’était pas aussi clair, les initiants n’auraient pas lancé leur initiative.»
La Constitution est claire
Pour étayer ses propos, Jacqueline Badran cite la Constitution fédérale. Elle en a surligné les articles 140 et 141, qui définissent les cas de référendum obligatoire ou facultatif. Pour les traités internationaux comportant «des dispositions importantes fixant des règles de droit», comme les accords européens, c’est le référendum facultatif qui s’applique – et donc pas de double majorité.
«Cela a été délibérément décidé lors d’une votation sur les droits populaires en 2003», rappelle Jacqueline Badran. À l’époque, le référendum sur les traités internationaux avait été redéfini. Elle dénonce donc l’idée d’accorder un référendum obligatoire «d’en haut, comme des seigneurs gracieux, selon leur bon vouloir». Et d’ajouter: «En Suisse, nous avons des droits populaires encadrés. Une autorité qui 'accorde' des référendums, comme dans le cas du Brexit en Angleterre, n’a rien à faire ici. Nous devrions donc nous en tenir à notre propre Constitution.»
Enfin, elle évoque une autre décision populaire: en 2012, 75% des électeurs avaient rejeté l’initiative UDC «Accords internationaux: la parole au peuple». Jacqueline Badran est convaincue que l’initiative «Boussole» subira le même sort – «surtout à l’époque de Trump». Et de conclure: «Plus vite la question sera mise sur la table, plus vite le peuple pourra faire la clarté.»