Les exportations suisses d’armement reculent fortement depuis 2022. L’an dernier, la baisse atteignait 5% par rapport à l’année précédente. Si l’industrie helvétique tient encore le coup, c’est grâce à la règle dite des composants: une réexportation vers des «pays sûrs» reste possible si moins de 50% de la valeur ajoutée est créée en Suisse.
Un exemple: le fabriquant Rheinmetall à Oerlikon expédie ses composants à l’étranger, où ils sont assemblés. L’entreprise fait de même avec l'un de ses engiins phares, le Skyranger. La majeure partie de la valeur ajoutée étant produite à l’étranger, notamment à Rome, le Skyranger final devient ainsi un produit d’armement italien.
Aucun soutien de la Confédération
Les autres fabricants recourent à la même stratégie. Les munitions suisses de précision – anciennement Ruag Ammotec, aujourd’hui Swiss P Defence – sont ainsi exportées principalement sous forme de projectiles ou de douilles, afin de respecter la limite des 50%. En revanche, presque aucun pays de l’OTAN n’achète de cartouches complètes à cause des restrictions de réexportation.
La Confédération n’apporte pour l’instant aucun soutien. Ni défenses anti-drones, ni munitions ne sont commandées, alors même que les stocks adaptés à la guerre sont vides. L’usine de munitions suisses, sous-exploitée, appartient au groupe italien Beretta. Son directeur a averti en octobre que l’entreprise ne pourrait pas absorber indéfiniment les pertes.
Un tournant depuis les attaques de drones
L’espoir renaît toutefois. Après que la Russie a lancé deux douzaines de drones sur la Pologne en septembre, et que l’aéroport de Copenhague a été paralysé par des drones, l’Europe resserre les rangs. Munich, Berlin, Bruxelles ou encore Brême ont également été ciblés par des survols non identifiés. Tous ces aéroports civils, comme Zurich et Genève, restent dépourvus de protection. En Suisse, personne ne se considère responsable de la défense anti-drones: ni les exploitants, ni la police, ni l’armée.
Depuis trois semaines, le Parlement accentue la pression. Les commissions de sécurité des deux chambres exigent du Conseil fédéral «l’acquisition la plus rapide possible» d’une défense anti-drones, en collaboration directe avec des entreprises suisses. Mais l’armée prend son temps.
Même inertie sur les munitions. En avril, le Conseil national avait décidé d’un achat d’un milliard de francs. En septembre, le Parlement est revenu sur cette décision. Lors d’un congrès de l’industrie, le chef de l’armement, Urs Loher, a résumé l’état d’esprit général: «Nous vivons dans notre propre monde, avec des prairies vertes, des vaches qui paissent et Heidi qui court dans l’herbe.»
Cet article a été publié initialement dans la «Handelszeitung», un hebdomadaire économique appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.
Cet article a été publié initialement dans la «Handelszeitung», un hebdomadaire économique appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.