La mère de la victime s'indigne
L'ado qui a tué son amie en Argovie risque trois jours de travail d'intérêt général

Après la mort tragique de Luisa*, 15 ans, à Berikon (AG), sa mère accuse les autorités. Des experts défendent toutefois le droit pénal suisse des mineurs et soulignent l'importance de mettre l'accent sur la réinsertion plutôt que sur la punition.
Publié: 08:50 heures
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Dernière mise à jour: 08:52 heures
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La jeune Luisa* a été poignardée par son amie à Berikon (AG).
Photo: Helena Graf
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Sebastian Babic

Gabriela M.*, la mère de Luisa* tuée à Berikon (AG), accuse les autorités: «Nous nous sentons abandonnés par la Suisse!» Selon la législation actuelle, Annina B, l’adolescente de 14 ans soupçonnée du meurtre, ne risque que quelques jours de travail d’intérêt général. Ses parents, quant à eux, pourraient être condamnés à verser une indemnité maximale de 10'000 francs pour tort moral. Une peine jugée dérisoire pour un crime capital. La jeune fille suspectée est actuellement prise en charge dans une unité psychiatrique fermée.

La justice suisse est-elle trop indulgente en matière de criminalité juvénile? «Non!» répondent deux spécialistes. Pour eux, le droit pénal des mineurs vise avant tout la réinsertion, et non la punition.

«En tant que père d’une fille de 13 ans, cette affaire m’a profondément touché», confie Dirk Baier, directeur de l’Institut de la prévention de la délinquance et de la criminalité à la Haute école zurichoise des sciences appliquées. «J'ai imaginé ce que ça serait si ma fille était victime, mais aussi auteure d'un tel délit.» 

Punition contre-productive

Il ajoute que, malgré l’émotion suscitée par ce drame, la loi ne peut pas être évaluée sur la base de réactions émotionnelles. «On parle d’un homicide, c’est bouleversant. Mais les émotions ne doivent pas dicter le droit.» Il rappelle que de tels cas restent extrêmement rares en Suisse. On en recense seulement quatre en quinze ans.

Patrik Killer est le président de la Société suisse de droit pénal des mineurs et dirige le tribunal des mineurs à Zurich. «Pour un âge aussi jeune, les autorités de poursuite pénale se concentrent sur les mesures de protection et non sur la punition», explique-t-il.

Selon lui, des peines plus lourdes n'auraient pas l'effet dissuasif escompté: «Les jeunes agissent souvent de manière impulsive. De nombreux actes graves sont commis par des primo-délinquants, généralement dans le cadre de situations de stress extrêmes. Nous devons intervenir plus tôt, par la prévention, le soutien thérapeutique et l'accompagnement social.»

Thérapie et réinsertion

Lorsque ces dispositifs échouent et qu’un acte grave est commis, l’objectif reste la réinsertion. Cela peut passer par des thérapies ambulatoires. «Le chemin du retour ne passe pas par un éloignement de la société», rappelle Dirk Baier. Le processus pénal pour les mineurs est particulièrement complexe.

«Dans certains cas, un placement dans un établissement fermé peut durer jusqu’à 25 ans», ajoute Patrik Killer. «Il s’agit en quelque sorte d’une détention, mais avec un accent mis sur la thérapie, l’éducation et la formation. Beaucoup de jeunes trouvent cela plus éprouvant qu’une prison, car on ne peut pas simplement attendre la fin de sa peine. Il faut se confronter à soi-même.»

Les victimes doivent être soutenues

En comparaison européenne, le droit pénal suisse des mineurs est considéré comme strict, notamment pour les 10-14 ans. «En Suisse, on est responsable de ses actes dès l'âge de 10 ans», rappelle Patrik Killer. Et les jeunes Suisses de moins de 15 ans commettent, en proportion, moins de crimes graves que dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche.

Mais pour la famille de la victime, ces chiffres sont abstraits. Gabriela M. se sent abandonnée par les autorités. Dans ce contexte, Dirk Baier insiste sur l’importance d’un accompagnement rapide: «Les parents doivent recevoir du soutien psychologique, ainsi qu’une assistance juridique.» Patrik Killer précise que les proches peuvent obtenir une représentation juridique gratuite et bénéficier de l’aide aux victimes.

Vers un durcissement du droit pénal des mineurs?

A Berne, un durcissement du droit pénal des mineurs est en discussion. Le Conseil national souhaite qu’en cas de crime grave, des peines privatives de liberté puissent être infligées aux mineurs.

Dirk Baier lance un appel à la sphère politique: «Si l’on veut agir efficacement, il ne faut pas se contenter d’alourdir les peines dans le code pénal. Il faut surtout améliorer l’aide aux victimes et renforcer la prévention.»

* Noms modifiés

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