Le prochain chapitre de la saga de l’AVS s’ouvre sur un terrain délicat: d’un côté, les veuves, de l’autre, les couples mariés. Avec une possible redistribution des prestations en jeu, soit réduire les rentes des veuves pour améliorer celles des couples.
La commission des affaires sociales du Conseil national planche sur un projet qui mêlerait deux réformes distinctes. D’un côté, le Conseil fédéral souhaite réduire sensiblement les rentes de survivants afin d’économiser plusieurs centaines de millions de francs par an. A l’avenir, les veuves ne devraient plus toucher de rente à vie.
De l’autre, le Centre veut abolir ce qu’il considère comme une pénalité de mariage: actuellement, un couple marié ne peut percevoir au maximum que 150% d’une rente AVS, soit 3780 francs par mois. Les concubins, eux, peuvent recevoir deux rentes pleines, soit jusqu’à 5040 francs au total. Le parti entend corriger cette inégalité par une initiative populaire.
L'UDC troque les veuves contre les mariés
Ce vendredi 23 mai, la commission examinera l’idée de fusionner ces deux dossiers dans un contre-projet à l’initiative du Centre. L’idée vient de l’UDC. Son président, Marcel Dettling, a déjà indiqué à Blick qu’il n’accepterait une réduction des rentes de veuves qu’en échange d’une hausse des rentes pour les couples mariés.
Thomas Aeschi, chef du groupe UDC, défendra cette position devant la commission. Le plafond des rentes pour couples mariés passerait de 150% à 175%, en contrepartie d’un plafonnement des rentes de veuves et de la suppression des rentes pour enfants versées à des parents âgés. «S’il n’y a pas de contre-projet, je soutiendrai l’initiative du Centre», prévient Thomas Aeschi.
Une politique «antisociale»
La gauche rejette catégoriquement cette approche. «L’UDC veut augmenter les rentes des couples sur le dos des veuves», accuse Mattea Meyer, coprésidente du PS. «Jamais nous ne soutiendrons une politique aussi antisociale.» Elle se dit néanmoins prête à discuter d’un relèvement du plafond pour les couples mariés, à condition de supprimer certains avantages comme l’exonération de cotisations pour les conjoints sans activité professionnelle.
Le PLR défend quant à lui une rente individuelle indépendante de l’état civil. Une idée qui reste sans majorité, mais le parti se dit ouvert à des ajustements pragmatiques. «Nous pourrions accepter un plafond à 165%, à condition que le projet soit neutre pour les finances publiques, avance le conseiller national Andri Silberschmidt. Il faut un équilibre. Si nous développons des prestations d'un côté, nous devons compenser ailleurs.» Il propose notamment de supprimer certains suppléments, comme ceux pour les veuves et veufs.
Alliances encore floues
Un accord entre l’UDC et le PLR donnerait 12 voix sur 25 à la commission. Il en manquerait donc une pour former une majorité. Elle pourrait venir du Parti vert’libéral. Patrick Hässig se dit favorable à un contre-projet à condition qu’il soit budgétairement neutre et équitable pour les générations futures. «Le plafond, s'il doit être relevé, ne devrait pas l'être d'un seul coup, mais par étapes.» Il est convaincu qu'une telle solution constituerait une alternative solide à l’initiative du Centre.
Un autre scénario envisage une alliance entre le PLR, le PS et les Vert’libéraux. Mais les lignes de fracture sont nombreuses, et les compromis radicaux semblent hors de portée. A ce stade, il est encore impossible de dire si un contre-projet verra le jour, ni sous quelle forme.
Pendant ce temps, le Centre reste campé sur sa position. «Nous n’entrerons pas en matière sur un contre-projet qui oppose veuves et couples mariés», tranche Thomas Rechsteiner, conseiller national. Pour lui, les deux projets doivent être traités séparément: l’un vise une réforme socialement acceptable des rentes de survivants, l’autre entend corriger une inégalité flagrante entre couples mariés et concubins. «Il s'agit d'éliminer une injustice», conclut-il.