Rolf Senn, un Bernois de 59 ans, est assis sur une botte de foin et fixe les bougies qu'il a allumées dans son écurie vide, à Wangen an der Aare. «C'est mon endroit préféré, dit-il d'une voix cassée, une larme coulant sur sa joue. Les poneys étaient comme mes enfants. Qui ferait une chose pareille?»
Il y a une quinzaine d'années, ce constructeur de volières a repris des poneys Mini-Shetland à l'improviste. Leur précédent propriétaire ne pouvait plus s'en occuper. Rapidement, cet amoureux des animaux a acquis le savoir-faire nécessaire, passé le permis de conduire une calèche et s'est lié d'amitié avec ses trois nouvelles petites juments. «Au début, Rosely était sauvage. Mais avec le temps, elle est devenue douce comme un agneau. Le deux autres, Wendy et Shyla, ont toujours été très sympathiques», raconte-t-il avec un sourire triste.
C'est peut-être leur nature confiante qui a été fatale à ses chéries le 17 juin. «A 10h30, je suis allé à l'écurie. Bizarrement, les poneys ne m'attendaient pas dehors ce jour-là, comme ils le faisaient généralement, raconte-t-il. Je suis entré dans l'étable en plein air et je les ai trouvés là, trempés par l'eau. On aurait dit que quelqu'un les avaient arrosés d'eau. Ils tremblaient.» L'homme a immédiatement alerté le vétérinaire, qui a tout tenté pour sauver les trois animaux.
Dans l'après-midi, Wendy est morte. La voix étranglée par les larmes, le passionné de chevaux poursuit son récit: «Nous avons finalement aussi dû euthanasier Rosely.» Quant à la dernière bête, Shyla, qui présentait les mêmes symptômes, elle a été emmené d'urgence à l'hôpital vétérinaire, où elle a pu être sauvée in extremis.
Cause de la mort: strychnine!
L'Institut de pathologie animale de l'Université de Berne a autopsié les deux animaux décédés et le poney gravement blessé. Le diagnostic ne fait aucun doute: les trois équidés ont été empoisonnés à la strychnine, un alcaloïde extrêmement toxique qui était autrefois utilisé comme mort-aux-rats. «Quelqu'un a dû les attirer et leur donner délibérément du poison. Shyla est de nature plutôt prudente. Elle a certainement dû en manger moins», suppose Rolf Senn.
En 2019, le Bernois avait déjà dû faire face à un coup du sort similaire: plus de cent poissons sont morts dans son étang, dont de précieuses carpes koï. «A l'époque, nous n'avions pas mis les moyens nécessaires pour effectuer des recherches plus approfondies», regrette-t-il.
Perte de joie de vivre
Les deux incidents sont-ils liés? Impossible d'en avoir le cœur net. Rolf Senn soupire. Ce dernier drame l'a beaucoup atteint. Depuis la mort de ses deux autres compagnons, Shyla vit chez une connaissance du Bernois. Elle ne s'y sent pas à l'aise et ne s'entend pas très bien avec les autres poneys. «Je souhaite lui trouver soit un bel endroit pour vivre, soit un congénère pour que je puisse la ramener chez moi», désespère-t-il.
Cet empoisonnement n'a toujours pas été élucidé. «J'ai déposé une plainte. Mais la procédure a été suspendue en raison d'un manque de renseignements sur les auteurs.»
Le Ministère public bernois a confirmé ces informations, à la demande de Blick. Le dossier ne serait rouvert qu'en cas de nouvelles preuves. Rolf Senn estime toutefois qu'il ne pourra jamais tourner la page sans connaître la vérité et lance un appel: «Je ne me reposerai pas tant que le coupable ne sera pas arrêté. Je donnerai 10'000 francs à qui aura des informations sur l'auteur de ce crime!»
(Adaptation par Lauriane Pipoz)