Gregor Kobel, le gardien en forme du Borussia Dortmund, accueille l’équipe de Blick dans son jardin. Son doberman Odens se blottit contre lui, l’hôte suisse sert café et gâteaux. Ambiance détendue dans la verdure. Le jeune homme de 27 ans y évoque les sujets qui l’ont occupé au cours des neuf derniers mois mouvementés: la crise sportive du BVB, ses débuts compliqués en tant que numéro 1 de l’équipe de Suisse.
Seules les spéculations de transfert, de plus en plus nombreuses, le laissent silencieux: «Par principe, je ne dis rien sur les rumeurs». Le Zurichois n’est de toute façon pas sous pression. Son contrat avec la formation allemande court jusqu’en 2028. L'international suisse est donc entièrement concentré sur son club, d’autant plus que la Coupe du monde des clubs débutent dans quelques semaines en Amérique du Nord.
Dortmund a complètement déraillé lors de la première moitié de saison. Il y a eu de la tension, des hauts et des bas, un changement d'entraîneur. La période la plus difficile de votre carrière?
Gregor Kobel: C’est possible. C’était une situation totalement nouvelle, que nous n’avions jamais connue ces dernières années. J’ai déjà traversé pas mal d’épreuves dans ma carrière: la lutte pour le maintien avec Augsbourg, une saison très compliquée avec le VfB Stuttgart, marquée par la pression de la montée et beaucoup d’émotions. Ce n’est peut-être pas, à l’échelle de l’ensemble de ma carrière, l’année la plus difficile, mais c’est une expérience que je n’avais encore jamais vécue avec une telle intensité.
À l’automne, les désillusions se sont enchaînées. Comment avez-vous vécu ces moments difficiles?
Pour moi, c’est normal qu’une carrière ne soit pas faite que de réussites. Il y a des périodes plus dures, qu’il faut savoir traverser. Il faut apprendre à prendre du recul, à rester fidèle à soi-même.
En janvier, le jeune entraîneur Nuri Sahin a quitté le club. On a parlé de tensions, vous sembliez perturbé. Il y avait visiblement beaucoup de choses qui se cumulaient.
Beaucoup de choses se sont passées en même temps. Un nouvel entraîneur, de nouveaux visages, une nouvelle manière d’aborder les matches. Ce n’était pas simple et cela nous a mis en difficulté. Quand les résultats ne suivent pas, certains aspects sont forcément scrutés de plus près. Et en tant que gardien, je fais bien sûr partie de l’équipe – donc aussi des critiques quand elle perd.
Avec Niko Kovac, un entraîneur au CV solide est arrivé. Qu’a-t-il changé?
Kovac est un coach qui nous laisse un peu plus de liberté dans le jeu. On assimile de mieux en mieux sa philosophie, on progresse ensemble. Les automatismes deviennent plus clairs, on joue le football qu’il attend de nous. Grâce à son travail et à ses idées, on a retrouvé une certaine stabilité, on gère mieux les moments difficiles. Il y a une nouvelle forme de confiance. On se soutient davantage entre nous, on est à nouveau dans une bonne dynamique.
Votre langage corporel a changé. Vous semblez à nouveau en paix avec vous-même et avec votre environnement.
Nous ne sommes pas des machines, mais des êtres humains. Quand l’ambiance est bonne au club, quand l’équipe fonctionne bien, quand les victoires s’enchaînent, tout devient plus simple. Cela se reflète forcément sur le terrain.
On sent que l’ambiance autour du BVB s’est apaisée. Quelles sont les émotions que vous percevez?
Au cours de ces quatre dernières années, j’ai vu à quel point il peut être fort et émouvant de jouer dans ce stade, de ressentir le soutien des supporters. Cette saison a été difficile pendant longtemps, aussi pour les fans du BVB. Ce sentiment de bonheur partagé m’a manqué. En ce moment, c’est un vrai plaisir de ressentir à nouveau cette ambiance, de voir à quel point c’est fort de jouer ici. Les gens sont à fond, tout le monde suit les matches, tout le monde a son avis. On voit combien ça leur fait plaisir, et on sent qu’on réussit à les embarquer avec nous.
À un moment, le BVB comptait dix points de retard sur les places qualificatives pour la Ligue des champions. Quel regard portez-vous sur cette remontée spectaculaire et cette qualification pour la C1?
C’est un immense accomplissement d’être revenus de si loin. On était vraiment dans le dur. On s’est battus étape par étape. Se qualifier pour la Ligue des champions, c’est crucial pour le club, aussi bien sportivement que financièrement. Et pour nous, les joueurs, c’est une compétition à part. Le sommet. On a d'ailleurs toujours été bons à ce niveau. Cette saison encore, on l’a prouvé avec ce quart de finale contre Barcelone: on gagne 3-1 chez nous après un 0-4 à l’aller. Cette compétition, on sait qu’on peut y faire mal et aller loin. Avoir à nouveau l’opportunité d’y briller, c’est quelque chose de très fort.
Vous avez peiné à retrouver votre meilleur niveau. La déchirure ligamentaire n’était apparemment qu’un des problèmes physiques que vous avez rencontrés?
C’est exact. En plus de la déchirure des ligaments, j’ai souffert d’une amygdalite tenace, que j’ai dû soigner avec des antibiotiques ces dernières semaines. Le pire, c’était contre Fribourg début avril (4-1). Mais pour moi, il n’a jamais été question de ne pas jouer. J’essaie toujours d’apporter quelque chose à l’équipe, d’être là pour le club. Je voulais que mes coéquipiers puissent compter sur moi durant une période aussi importante.
Dans quelle mesure étiez-vous diminué?
Aujourd’hui, tout va bien. Pendant la mauvaise passe, les antidouleurs m’ont aidé. Et il y a aussi l’adrénaline du match, qui faisait le reste. Une cheville me posait également problème, car chaque contact avec le ballon provoquait une douleur. Cela s’est parfois accentué pendant les entraînements. C’était gênant, mais nous avons réussi à stabiliser la situation.
Cette nouvelle devrait aussi rassurer Murat Yakin. Début juin, vous partirez aux États-Unis avec l’équipe nationale. Depuis l’automne dernier, vous êtes le numéro un dans les buts suisses. Comment vivez-vous ce nouveau statut?
C’est avant tout un immense honneur de représenter son pays. Cela a toujours été une grande fierté pour moi. Être sur le terrain avec ce maillot déclenche énormément d’émotions.
En 2026, vous pourriez disputer pour la première fois une Coupe du monde en tant que titulaire, après avoir déjà pris part à trois matches. L'automne sera chargé et très important.
Pour toute l’équipe, cet objectif est clair et bien présent dans un coin de nos têtes. Une Coupe du monde, c’est le sommet pour n’importe quel joueur. On sait tous à quel point l’automne sera important.
L’équipe nationale a connu un passage difficile en Ligue des Nations. Pourquoi l’équilibre semble-t-il difficile à trouver actuellement?
Nous avons perdu plusieurs cadres, des joueurs présents depuis longtemps, importants pour la structure du groupe, pour les supporters, pour l’image de l’équipe. Il est normal que tout ne fonctionne pas immédiatement. Les automatismes doivent se créer, et reconstruire un collectif prend du temps. Il faut un moment pour que les choses s’alignent après autant de changements. Chacun doit apprendre à connaître les autres, les rôles évoluent, il faut les redéfinir. L’automne sera un vrai défi, mais nous avons une équipe en qui l’on peut avoir confiance. Si nous parvenons à mieux jouer ensemble, nous aurons les résultats.
La victoire est une obligation.
Je connais les attentes. Elles sont le fruit du travail de ceux qui étaient là avant nous. Ces dernières années ont été les plus réussies de l’histoire de la Nati. Il est donc logique que les exigences soient élevées. Mais même cette génération dorée a mis du temps à se construire et à atteindre son meilleur niveau. On a tendance à l’oublier. J’ai déjà évolué dans plusieurs clubs avec de grandes ambitions et une forte culture de la performance. Je suis donc habitué à ce genre d’environnement. Cela fait partie du sport de haut niveau.
Vous êtes un gardien différent de Yann Sommer, votre prédécesseur. Vos débuts en sélection ont-ils été difficiles?
On a beaucoup parlé de ma façon de jouer, c’est vrai. Mais je pense que ce n’est pas qu’une question individuelle, c’est toute l’équipe qui est concernée. Shaq (ndlr: Xherdan Shaqiri) est parti, Yann a arrêté, Fabian Schär aussi — ce sont des visages qui étaient presque toujours là. Les nouveaux doivent maintenant trouver leur place. Comme je l'ai dit, il faut du temps pour créer des automatismes. Bien sûr, Yann et moi sommes des gardiens différents, et cela se voit aussi sur le terrain.
À Dortmund, on apprécie votre franchise, même quand il faut aborder les sujets délicats. Faut-il d’abord apprendre à connaître Gregor Kobel au sein de l’équipe de Suisse?
Je suis quelqu’un qui dit ce qu’il pense. C’est ce que je fais à Dortmund, et pour moi, cela fait partie du métier. En ce qui concerne l’équipe nationale, le public s’est habitué, au fil des années de succès, à une certaine image. Aujourd’hui, une nouvelle phase commence. J’en suis heureux. L’essentiel, maintenant, c’est de passer du temps ensemble, d’apprendre à se connaître. Il y a beaucoup de garçons talentueux dans ce groupe.
Est-ce qu’il a fallu quelques échanges personnels pour trouver le rythme?
C’est un processus normal dans une équipe. On apprend à se découvrir – sur le terrain comme en dehors. Ces ajustements se font naturellement, on passe tous par là. Ce n’était pas différent auparavant. En Ligue des Nations, ce n’était pas évident non plus, avec des joueurs différents devant moi à chaque match.
Patrick Foletti a longtemps travaillé avec Yann Sommer. A-t-il fallu un entretien avec lui pour lancer une nouvelle ère et clarifier certains points?
Non, il n’y en a pas eu besoin. «Fox» est un entraîneur très professionnel. Je ne m’occupe pas des suppositions. Ce n’est pas mon job. Il fait son travail comme toujours, avec sérieux. Il me connaît depuis mes neuf ans, lorsque je jouais chez les U-Kickers de Grasshopper.
Après le déplacement aux États-Unis avec l’équipe nationale, vous enchaînerez avec la Coupe du monde des clubs. Que représente cette compétition pour vous?
Cela peut être un tournoi vraiment intéressant, avec des équipes qu’on connaît peu, qu’on a rarement l’occasion d’affronter. Pour moi, l’essentiel sera de bien gérer l’enchaînement des efforts, de planifier les temps de récupération. Aux États-Unis, d’autres sports collectifs réussissent à composer avec des déplacements très longs. Je pense que, nous aussi, en tant que footballeurs, on peut y arriver.
Vous avez déjà disputé plus de 4200 minutes cette saison. Votre corps tient-il le coup?
On est beaucoup en déplacement, et le temps de récupération en privé va me manquer. Je vais probablement être absent tout le mois de juin. Au final, tout dépendra de la façon dont je gérerai cette courte pause et de ma capacité à recharger les batteries. En tant qu’international, avec les matches de Ligue des champions et en plus cette Coupe du monde des clubs, cela fait beaucoup. Les moments pour souffler sont rares. Et la Bundesliga redémarre déjà le 22 août.