Lavements à l'eau de Javel diluée, lait de chamelle cru, traitements à base de cellules souches ou encore voyages coûteux à l'étranger: certains parents tentent tout, même les solutions les plus extrêmes pour espérer «soigner» leurs enfants atteints d'autisme.
Selon une enquête publiée par le «Washington Post» le dimanche 2 novembre, de nombreuses familles américaines dépensent des sommes faramineuses dans des thérapies alternatives, dans l'espoir illusoire de «guérir» leurs enfants. Le trouble du spectre autistique (TSA), est un trouble du neurodéveloppement généralement d’origine génétique, pour lequel il n'existe aucun remède reconnu.
Dépourvues de validation scientifique, ces méthodes promettent d’«atténuer» ou de «guérir» l’autisme et se propagent massivement sur internet. Malgré leur coût, de nombreuses familles, désemparées et confrontées à une désinformation croissante, s’y accrochent. Selon une étude publiée en 2025 dans Nature Human Behavior, jusqu’à 90% des personnes autistes auraient essayé au moins une forme de traitement alternatif au cours de leur vie.
Une liste de «traitements» fous
Mais que recouvrent ces pratiques? Parmi les plus répandues figure la chélation, une méthode censée éliminer les métaux lourds du corps. Elle est parfois proposée comme «traitement de l’autisme» en partant de l’hypothèse infondée que des métaux toxiques seraient à l’origine du TSA. Les chambres hyperbares, enceintes hermétiques dans lesquelles les patients sont exposés à une pression ambiante supérieure à la normale, sont également proposées, tout comme d'innombrables régimes restrictifs ou cures détox.
Aux Etats-Unis, ces méthodes ont déjà fait des ravages. Dana Paduchowski, mère de trois enfants atteints d'autisme à la recherche désespérée du remède miracle, a dépensé plus de 30'000 dollars dans ces traitements, sans résultat. Certaines pratiques ont même rendu ses enfants malades. Après avoir versé 12'000 dollars à une clinique «holistique», elle a découvert que la thérapeute n’était pas diplômée et utilisait de fausses identités. Quelques années plus tard, un enfant est décédé dans ce même centre, à la suite de l’explosion d’une chambre hyperbare utilisée hors cadre médical.
Des risques sanitaires et financiers
Les interventions telles que la chélation ou les cures détox extrêmes peuvent entraîner de graves complications: insuffisance rénale, des déséquilibres électrolytiques ou encore des infections. Elles retardent aussi l’accès à des soins efficaces, comme les thérapies comportementales, qui peuvent améliorer le quotidien des patients.
Et le prix à payer est lourd. Au-delà des dépenses qui peuvent se chiffrer en dizaines de milliers de dolllars, les familles qui se tournent vers des solutions alternatives investissent énormément de temps et d'énergie. Un investissement qui ne rapporte que peu, si ce n'est de la déception et de la culpabilité, soulignent les experts.
L’Agence américaine des médicaments (FDA) a émis plusieurs mises en garde contre des produits vendus en ligne: cures de désintoxication, solutions à base d’eau de Javel diluée, lait de chamelle cru ou médicaments anticancéreux détournés. Les autorités sanitaires estiment que ces traitements présentent «un risque sanitaire significatif».
Le rôle de Trump et la désinformation
Malgré ces avertissements, de nombreuses familles américaines continuent de se tourner vers des «thérapies» non prouvées scientifiquement. Les témoignages sur les réseaux sociaux ou par des praticiens non accrédités, la désinformation et le débat politique alimentent la confusion.
Donald Trump et Robert F. Kennedy Jr, à la tête du ministère de la Santé, ont récemment vanté les mérites du leucovorine, un dérivé de la vitamine B9, comme traitement «prometteur» de l'autisme. Aucune étude rigoureuse n'en a pourtant démontré l'efficacité. Ces déclarations remettent également sur la table la théorie selon laquelle il existerait un lien entre les vaccins et l'autisme.
Face à cette désinformation persistante, le département américain de la Santé et des Services sociaux rappelle que les décisions thérapeutiques doivent s’appuyer sur «les meilleures données scientifiques disponibles». Les associations d’autodéfense de personnes autistes, telles que l’Autistic Self Advocacy Network, dénoncent pour leur part «un marché lucratif fondé sur la détresse», qui exploite les familles les plus vulnérables.