Au moins 19 personnes ont été tuées et des dizaines blessées dans des frappes aériennes au Darfour, dans l'ouest du Soudan, contre une ville assiégée par les paramilitaires et contre une clinique visée par l'armée régulière. C'est ce qu'on ont indiqué dimanche une source médicale et une ONG.
La clinique Yashfeen de Nyala, la capitale du Darfour du Sud contrôlée par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), a été visée samedi vers midi par une frappe de drone de l'armée. Celle-ci a fait au moins 12 morts et un nombre indéterminé de blessés, selon une source de l'ONG Emergency Lawyers, qui documente les atrocités depuis le début du conflit il y a plus de deux ans.
Le mois dernier, les paramilitaires avaient annoncé la création d'un gouvernement parallèle basé à Nyala. Là-même où Mohamed Hassan al-Ta'ayshi a prêté serment comme Premier ministre dimanche.
Installations médicales régulièrement visées
La source à Emergency Lawyers, qui s'est exprimée sous condition d'anonymat auprès de l'AFP par mesure de sécurité, a indiqué s'attendre à ce que le bilan s'alourdisse. Des informations préliminaires suggèrent en effet que des dizaines de civils et de membres du personnel médical pourraient avoir été tués.
Les installations médicales sont régulièrement visées au Soudan, où quelque 80% des établissements de santé ont été forcés de fermer, selon des chiffres officiels. Toujours samedi mais en soirée, au moins sept personnes ont été tuées et 71 blessées dans des bombardements contre El-Facher, la capitale de l'Etat du Darfour du Nord.
La ville est assiégée par les paramilitaires des FSR, en guerre contre l'armée, qui y ont intensifié leurs attaques ces dernières semaines, a rapporté dimanche une source médicale à l'AFP. Cette source, qui travaille à l'hôpital d'El-Facher, a imputé l'attaque aux paramilitaires.
Famine à Abou Chouk
S'exprimant sous couvert d'anonymat, elle a précisé que le bilan réel était «probablement plus élevé», car de nombreux blessés n'ont pu atteindre l'établissement à cause de l'intensité des bombardements. Parmi les blessés, principalement touchés par des éclats d'obus, 22 sont dans un état critique, a ajouté cette même source.
Selon le comité local de résistance, l'un des nombreux groupes de volontaires qui documentent les atrocités du conflit, les frappes ont touché plusieurs quartiers densément peuplés dans l'ouest de la ville, près de l'aéroport que les paramilitaires tentent de prendre. Les FSR assiègent depuis mai 2024 El-Facher, dernière grande ville du Darfour encore tenue par l'armée, qui compte quelque 300'000 habitants.
Après avoir perdu la capitale Khartoum, reprise par l'armée en mars, les FSR ont intensifié leurs attaques contre El-Facher et les camps de déplacés proches, notamment Abou Chouk. La famine y a été déclarée.
Bombardements incessants
El-Facher, menacée de famine, est aujourd'hui quasiment coupée du monde, sans aide humanitaire. «Ils n'ont pas reçu de livraison de l'ONU depuis des mois», a déclaré à l'AFP Nathaniel A. Raymond, directeur du Laboratoire de recherche humanitaire (Humanitarian Research Lab, HLR) de l'université de Yale (Etats-Unis). «Ils mangent de la nourriture pour bétail qui est en train de s'épuiser».
Ces dernières semaines, des témoins, des bénévoles et des travailleurs humanitaires ont décrit une intensification des attaques contre El-Facher, avec des bombardements incessants, des pillages ainsi qu'une insécurité grandissante. Des hôpitaux et des mosquées ont également été bombardés. Des habitants creusent des tranchées pour se protéger des obus et des balles perdues. D'autres tentent de fuir la ville.
Dans un communiqué diffusé dimanche, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué que plus de 1000 familles avaient été déplacées pour la seule journée de vendredi dans la ville «en raison de l'aggravation de l'insécurité». Pour l'ONU, El-Facher est devenue «l'épicentre de la souffrance des enfants».
Dizaines de milliers de morts
Des images satellitaires publiées par le HLR révèlent que les FSR ont érigé plus de 31 km de remblais de terre autour de la ville. Les FSR ont annoncé mercredi avoir pris le contrôle du quartier général de la police, situé dans le centre-ville. L'AFP n'était pas en mesure de vérifier ces affirmations sur place.
Si El-Facher devait tomber aux mains des FSR, les paramilitaires contrôleraient les cinq capitales régionales du Darfour. Outre la quasi-totalité du Darfour, ils contrôlent actuellement avec leurs alliés certaines portions du sud du pays.
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre de pouvoir entre le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, chef des FSR. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU décrit comme la «pire crise humanitaire au monde».