L'oligarque russe Andreï Melnitchenko réside à Saint-Moritz, dans les Grisons, et est le fondateur d'Eurochem, dont le siège est à Zoug. Cette entreprise fait partie des plus importants fabricants d'engrais au monde. Sa fortune est estimée à 27,5 milliards de dollars.
Parmi ses biens, l'entrepreneur compte le plus grand navire à voiles du monde, le Sail Yacht A – aussi appelé simplement «A» afin de lui garantir la première place dans tous les registres de la marine. Ce bateau de plaisance, techniquement à appareil à moteur mais doté d'une assistance vélique à la navigation, explose les superlatifs: 143 mètres de long, huit ponts, un équipage de 54 personnes et trois mâts de 100 mètres de haut. Le «A» dispose aussi d'un poste d'observation sous-marin moulé dans la quille et de balcons entourés des plus longues vitres incurvées du monde.
En accord avec les sanctions de l'Union européenne, ce superyacht a été confisqué et est ancré depuis mars à Trieste, en Italie. Un stationnement qui coûte une fortune aux contribuables. Jusqu'à présent, il a fallu débourser 7 millions d'euros pour l'entretien.
Brouiller les pistes
Les avocats d'Andreï Melnitchenko tentent depuis lors de débloquer la situation. Le yacht a fait l'objet de plusieurs remaniements administratifs ces derniers mois. Alors qu'il naviguait avant sous un pavillon de l'île britannique de Man, il y a disparu du registre après avoir été saisi par l'Italie. Il arbore désormais un drapeau de la Sierra Leone, pays d'Afrique de l'Ouest. Il a en plus changé de statut: «A» a été enregistré comme bateau-maison, et non plus comme yacht ou bateau de plaisance.
Interrogé par «Forbes», un porte-parole a simplement expliqué que le «A» est «la propriété d'un trust géré par un fiduciaire indépendant et Andreï Melnitchenko n'a aucune relation avec ce trust».
Selon la revue américaine, d'autres oligarques sanctionnés poursuivent cette stratégie qui permet de placer les palaces flottants sous de nouveaux pavillons. Divers spécialistes supposent que les milliardaires pro-Poutine espèrent ainsi pouvoir à nouveau naviguer légalement sous un nouveau pavillon - tout en payant moins d'impôts pour leurs «péniches».
Transfert de propriété
La libération des biens arrivera dans tous les cas si les sanctions sont levées. En parallèle des ruses et autres manigances administratives, Andreï Melnitchenko a également engagé une procédure judiciaire contre l'Union européenne, estimant que les confiscations dont il fait l'objet sont illégales. Les documents judiciaires mentionnent comme plaignante sa femme Aleksandra, domiciliée à Saint-Moritz.
Selon Reuters, Andreï Melnitchenko avait transféré la propriété d'Eurochem et du groupe de charbon et d'électricité Suek à sa femme la veille de l'annonce des sanctions de l'Union européenne. Une donnée qui rendrait «irrationnelles» les mesures adoptées par l'UE. Son épouse n'a jamais eu la citoyenneté russe et n'a jamais habité en Russie. Elle possède la double nationalité serbe et croate.
«Pas de changement de propriétaire» pour le yacht
Il est possible que le couple ait oublié de dissimuler à temps la propriété du «A». Selon des propos d'Alessio Casci, le chef de l'agence immobilière publique italienne compétente, recueillis dans le journal «Il Piccolo» de Trieste, il n'y a eu «aucun changement de propriétaire» pour le méga-yacht.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont confisqué au moins quinze yachts d'une valeur totale de 3,3 milliards de dollars, appartenant à treize oligarques proches de Vladimir Poutine.