Les Talibans affichent depuis des semaines une bienveillance singulière. Loin de leur rhétorique guerrière d'antan, l'un deux assurait dans une interview qu'il n'y aura «aucune vengeance sur qui que ce soit»,
Il en faudra plus pour convaincre l'expert du Moyen-Orient Ulrich Tilgner que les islamistes ne soient pas le loup dans la bergerie que l'on nomme Afghanistan: «La nuit des longs couteaux viendra plus tard», pense celui qui a fait des reportages dans la région pendant des années. Pour Blick, il évalue la situation à Kaboul et les conséquences sur l'Europe.
L'homme de 73 ans estime qu'il incombe à la Suisse une obligation humanitaire: «La Suisse devrait accueillir des réfugiés, comme les personnes qui ont travaillé pour le DFAE ou pour des organisations suisses sur place.» De cette manière, la Suisse pourrait servir de modèle à d'autres pays. La ministre de la Justice Karin Keller-Sutter semble avoir pris une décision en ce sens, puisque 200 personnes, des employés locaux de la Direction du Développement et de la Coopération (DDC) et leurs familles, vont recevoir un visa humanitaire. Cependant, on ne sait toujours pas où se trouvent ces 200 personnes.
«Les partisans de la ligne dure vont organiser un massacre»
Certains pays, comme l'Allemagne, adoptent une approche très prudente en matière d'évacuation des travailleurs humanitaires locaux, critique Ulrich Tilgner. «Il y a un risque élevé que les talibans se vengent sur eux», dit-il. Et il poursuit: «Je ne peux pas m'empêcher d'être persuadé que les partisans de la ligne dure l'emporteront à long terme sur les modérés. Et organiseront un massacre.»
De nombreux Afghans partagent ces craintes et tentent de fuir. «Il faut s'attendre à ce que les gens commencent à se déplacer, y compris vers l'Europe», déclare le ministre allemand de l'Intérieur Horst Seehofer dans une interview. L'UE prend également des mesures. Dans une interview accordée à «La Stampa», le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, appelle à un accord rapide sur la politique migratoire de l'UE.
Cependant, Ulrich Tilgner ne croit pas qu'une situation comme celle de 2015, où des millions de personnes ont fait le chemin vers l'Europe depuis la Syrie, se produira: «Les talibans ne laisseront pas sortir les gens. Les Iraniens ne les laisseront pas passer et les Turcs ne les laisseront pas entrer. Et tout cela se fera avec le soutien de l'Europe».
«Théoriquement, le risque d'attaques en Europe augmente»
L'expert craint également des conditions désastreuses pour les millions de réfugiés qui demeurent dans les pays voisins de l'Afghanistan: «Ils ne s'en sortiront tout simplement pas, seront oubliés et continueront à souffrir. Il y aura des morts.»
Il se pourrait également que l'État islamique connaisse une seconde jeunesse avec l'arrivée au pouvoir des talibans, même s'il est encore trop tôt pour le dire. Doit-on craindre une recrudescence terroriste en Europe? Ulrich Tilgner reste prudent: «Théoriquement, le risque d'attaques en Europe risque d'augmenter. Les Talibans ont des liens avec Daech et Al-Qaïda. Ces derniers vont certainement essayer de renforcer leurs cellules en Afghanistan.»