Un retour à la guerre froide?
Trump veut faire exploser des bombes nucléaires: la planète retient son souffle

Trump veut relancer les essais nucléaires américains – une première depuis plus de trente ans. Officiellement, il s’agirait de «se mettre au niveau» de la Chine et de la Russie. En réalité, cette annonce remet en cause des décennies de politique nucléaire américaine.
Publié: 17:29 heures
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Dernière mise à jour: 17:59 heures
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Donald Trump prévoit de faire procéder à des essais nucléaires pour la première fois depuis plus de 30 ans.
Photo: AP
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Chiara Schlenz

Donald Trump l'a encore fait. Un simple message posté sur Truth Social, et le monde retient son souffle. «En raison des programmes d'essais menés par d’autres pays, j'ai ordonné au ministère de la Défense de commencer à tester nos armes nucléaires à un niveau équivalent», a annoncé le président américain jeudi.

Pour la première fois depuis plus de 30 ans, les Etats-Unis s’apprêteraient à reprendre les essais nucléaires – un signal dont la portée dépasse largement Washington. Mais que cache vraiment cette annonce? Et faut-il la prendre au sérieux?

Une démonstration de force avant tout symbolique

Officiellement, Trump justifie sa décision par la «nécessité de rester au même niveau que la Chine et la Russie». Mais le timing de cette déclaration – juste avant une rencontre avec le président chinois Xi Jinping – laisse toutefois penser qu'il s'agit là d'une mise en scène politique. Le message est clair: l'Amérique ne se laissera pas dépasser. Depuis 1992, les Etats-Unis s'étaient pourtant tenus à un moratoire volontaire: ils avaient renoncé aux essais nucléaires afin d'éviter une nouvelle course à l'armement. 

En rompant avec cette ligne, Trump cherche à afficher sa fermeté et à renouer avec la logique de dissuasion du temps de la guerre froide. Mais la réalité est tout autre.

Une rhétorique de guerre froide version XXIe siècle

Dans quelle mesure la menace de Trump est-elle réaliste? Les spécialistes sont sceptiques. En effet, les Etats-Unis disposent depuis des décennies de méthodes de simulation sophistiquées qui permettent de vérifier la fiabilité des armes nucléaires, sans aucune explosion. Ces «tests subcritiques» ont lieu régulièrement et sont considérés comme suffisants pour maintenir l'arsenal en état de fonctionnement.

«Un test de détonation réel serait techniquement coûteux et politiquement difficile à mettre en œuvre», explique Daryl Kimball de l'Arms Control Association sur X. Selon lui, il n'y a actuellement aucune raison militaire de revenir aux anciennes méthodes de test. Des physiciens du Los Alamos National Laboratory avancent des arguments similaires, soulignant que les modèles informatiques sont suffisamment précis depuis des années pour remplacer les tests de détonation.

Les derniers tests américains ont eu lieu en septembre 1992 dans l'Etat du Nevada. Certes, les installations y sont toujours opérationnelles, mais un redémarrage nécessiterait des années de préparation – de la planification technique aux évaluations environnementales. De plus, l'opposition serait grande dans le Nevada, où beaucoup se souviennent encore des conséquences radioactives de précédents essais dans les années 1950 et 1960.

Un signal dangereux en période d'incertitude

Même si aucun test n'est effectué, l'annonce de Trump reste un signal politique – à la fois pour la Chine et la Russie. Mercredi, la Russie avait annoncé le succès des tests de son missile de croisière à propulsion nucléaire «Bourevestnik» et de son drone sous-marin «Poséidon». De son côté, la Chine construit massivement depuis 2020 de nouveaux silos à missiles dans le désert du Gansu afin d'étendre sa dissuasion nucléaire.

Le post de Trump apparaît donc comme une réaction à ces développements, plus que comme une décision stratégiquement coordonnée. Mais l'effet est global: les experts en contrôle des armements mettent en garde contre le fait que la rhétorique même d'un retour au nucléaire érode encore plus la confiance entre les grandes puissances.

Ce qui est en jeu

Depuis 1996, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) interdit tous les essais de détonation nucléaire. Presque tous les pays du monde ont signé ce traité – y compris les Etats-Unis, qui ne l'ont toutefois jamais ratifié. Malgré cela, toutes les puissances nucléaires l'ont respecté. Seule la Corée du Nord a brisé l'interdiction, la dernière fois en 2017. Si Washington venait à rompre ce consensus, cela pourrait encourager d'autres Etats à lui emboîter le pas et déclencher une nouvelle méfiance dans la politique de sécurité internationale.

Le débat intervient en outre dans une phase où le contrôle mondial des armements s'effrite toujours un peu plus. Après le retrait des Etats-Unis du traité INF sur les missiles à moyenne portée en 2019, le dernier grand accord de désarmement entre Washington et Moscou, le traité New START de 2010, reste en vigueur – mais son avenir est également incertain. Aucune inspection n'a eu lieu depuis 2020 et le chef du Kremlin Vladimir Poutine a suspendu sa participation au traité en 2023.

Entre symbole et stratégie

La question reste ouverte: Trump fera-t-il effectivement exploser une bombe? Tout porte à croire qu'il s'en tiendra aux mots: un mélange de démonstration de force et de réaction à la concurrence géopolitique. Mais ces mots ont déjà du poids.

L'annonce de Trump a peut-être peu de substance sur le plan technique, mais sur le plan politique, elle est un symptôme: elle marque le retour d'une rhétorique que l'on croyait révolue depuis longtemps: méfiante, conflictuelle et marquée par la logique du «nous contre eux».

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