Sous les paillettes d’Ibiza, la réalité est bien moins étincelante: la crise du logement s’y aggrave de saison en saison. Alors que les touristes affluent, nombre d’habitants et de travailleurs saisonniers survivent dans des conditions précaires. Certains s’entassent dans de minuscules appartements, d’autres prennent chaque jour la navette depuis le continent, tandis que beaucoup n’ont d’autre choix que de vivre sous des tentes (au mieux des caravanes) dans des campements illégaux, rapporte «The Independant» lundi 18 août.
Rien que l'année passée, les autorités ont recensé près de 800 personnes installées dans des abris de fortune. Et ce chiffre ne tient pas compte des 200 habitants expulsés le mois dernier d’un campement où ils vivaient dans des cabanes, des tentes et des camionnettes.
Le problème ne se limite pas à Ibiza: dans tout le pays, des villes et zones côtières connaissent une grave pénurie de logements. Manifestations et mobilisations se multiplient. Les militants réclament un encadrement des loyers et accusent les propriétaires de sacrifier la location longue durée au profit de locations touristiques, bien plus lucratives.
Des loyers trop élevés
En juillet dernier, les loyers ont bondi de 23% par rapport à 2023. Résultat: un appartement d’une chambre coûte en moyenne 1’500 euros (1400 francs), alors que le salaire minimum espagnol plafonne à 1’381 euros (1300 francs). «L’île est un paradis, le plus bel endroit que j’aie jamais vu. Mais il y a un revers à la médaille», confie Jeronimo Diana, technicien argentin de 50 ans, dont le revenu de 1’800 euros (1700 francs) lui permet uniquement de vivre dans un campement illégal.
Cette flambée a des conséquences directes sur les services publics. La pénurie de logements provoque une fuite des enseignants et des soignants, incapables de se loger. Maria Jose Tejero, urgentiste de 24 ans, raconte partager un petit appartement avec deux autres colocataires: le loyer du logement représente deux fois son salaire.
En 2024, l’île a accueilli plus de 3 millions de touristes pour une population résidente de 161’485 habitants. «Tant que les touristes viendront, il y aura des gens prêts à vivre dans la précarité pour travailler», glisse Jonathan Ariza, mécanicien colombien vivant dans une caravane.
Et les autorités?
Les travailleurs sociaux dénoncent une pratique récurrente: des familles avec enfants discriminées, des locataires expulsés l’été pour céder la place aux touristes. Si les autorités locales peuvent infliger des amendes de 40’000 euros pour les locations touristiques illégales, ces sanctions restent très rares.
Au niveau national, le gouvernement de centre-gauche a promis de tripler le budget du logement social et d’accélérer la construction. Mais la réforme patine: de nombreuses régions, dominées par l’opposition, refusent d’appliquer les règles, profitant de leur autonomie en matière de politique du logement. Si rien ne change, l’île risque de n'être plus qu'un lieu de fête pour riches visiteurs… et un terrain de survie pour ceux qui la font vivre.