Le bloc sud-américain du Mercosur a prôné jeudi son ouverture commerciale accélérée, lors d'un sommet à Buenos Aires. En marge du sommet, le Brésilien Lula a rendu visite à Cristina Kirchner, son alliée politique, et opposante au président Milei, détenue à domicile.
Juste après le sommet, Luiz Inacio Lula da Silva s'est rendu en mi-journée chez Mme Kirchner, dans le quartier de Constitucion, sous les encouragements d'une grosse centaine de partisans de l'ex-présidente péroniste (centre-gauche). Il en est ressorti près d'une heure plus tard, saluant la foule sans faire de déclaration, a constaté l'AFP.
«Je lui ai souhaité toute la force nécessaire pour continuer de lutter, avec la même détermination qui a caractérisé son parcours», a écrit peu après le dirigeant brésilien de gauche sur X.Mme Kirchner, 72 ans, purge à domicile depuis trois semaines une peine de six ans de prison et d'inéligibilité à vie, après sa condamnation pour administration frauduleuse pendant ses mandats (2007-2015).
Relations au plus bas
Elle se dit depuis le début victime d'une «persécution politico-judiciaire», pour la «bannir» de la politique. La rencontre Lula-Kirchner n'a pas manqué de ravir la vedette au sommet semestriel du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie), où Lula était l'hôte de l'ultralibéral Javier Milei: deux chefs d'État à l'inimitié notoire, aux antipodes politiques.
En 18 mois de présidence Milei, les dirigeants des deux géants voisins d'Amérique du Sud n'ont eu aucune rencontre bilatérale, bien que se croisant en maints divers forums. Et cet évitement s'est poursuivi jeudi, hormis une furtive accolade, la photo de famille du sommet, et une de Javier Milei et Lula côte à côte, sans l'esquisse d'un sourire.
Le sommet du Mercosur (Mercado Comun del Sur) se tenait le regard tourné vers Bruxelles, où se joue l'avenir de accord de libre-échange entre l'Union européenne et le bloc sud-américain. L'accord signé fin 2024, après 25 ans de négociations, doit encore être ratifié par les pays européens, sur fond de résistances, françaises en particulier, liées au risque perçu pour certaines filières agricoles européennes.
Pression de Milei sur les pays du Mercosur
Lula s'est redit «convaincu» de le signer avant la fin 2025, «créant ainsi l'une des plus grandes zones de libre-échange au monde», de 722 millions d'habitants. Mais il a aussi entendu – et rejoint sur ce point – l'appel de Milei à plus d'ouverture du Mercosur, bloc de près de 300 millions d'habitants, pour diversifier ses débouchés, dans un panorama transformé par la guerre commerciale américaine.
Javier Milei a mis en garde ses partenaires, les exhortant à «des réformes pro-liberté commerciale», faute de quoi l'Argentine avancera «seule», car elle «ne peut pas attendre». Par le passé déjà, il a menacé de quitter le Mercosur, qu'il considère un carcan, – un «rideau de fer», a-t-il répété mercredi – afin de poursuivre son rêve hypothétique d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis de son allié Donald Trump.
Pour autant, c'est bien l'action de l'Argentine au coeur du Mercosur qu'il a louée jeudi, en guise de bilan de sa présidence tournante. Ainsi l'accord avec l'Association européenne de libre-échange (AELE) qui regroupe Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse, non-membres de l'UE. Un accord finalisé a été annoncé mercredi, la signature doit intervenir dans les prochains mois.
Regards tournés vers le Canada et l'Asie
Les pays du Mercosur ont aussi annoncé un accord sur une liste accrue de produits exemptés du tarif extérieur commun du bloc, a-t-il salué. Une mesure «temporaire», pour répondre au choc tarifaire mondial. Javier Milei a dit espérer la finalisation en 2025 de négociations pour un accord commercial avec les Emirats, et mentionné des négociations avec le Salvador, beintôt le Panama.
Lula de son côté a promis que sa présidence du bloc progressera dans les négociations avec le Canada, et estimé «qu'il est temps que le Mercosur regarde vers l'Asie», citant le Japon, la Chine, la Corée, l'Inde, le Vietnam et l'Indonésie. «C'est une période de graves turbulences pour le multilatéralisme: le soutien du Mercosur et de toute l'Amérique du Sud sera essentiel», a-t-il déclaré.
Il a souligné que changement climatique, transition énergétique, développement technologique et lutte contre le crime organisé seront priorités de sa présidence du bloc. Sur ce point, le sommet a acté la mise en oeuvre d'un groupe de travail visant à créer une «Agence du Mercosur contre la criminalité transnationale organisée», que Javier Milei a dit espérer pour 2025.