Vladimir Poutine sait comment attirer l’attention. Alors que les missiles et les drones russes tombent sur les villes ukrainiennes, il se présente soudain comme un faiseur de paix... et affirme être prêt à accueillir Volodymyr Zelensky à Moscou. «S’il veut vraiment la paix, qu’il vienne me voir», a lancé le chef du Kremlin mercredi lors d’une conférence de presse.
Mais à y regarder de plus près, cette invitation n’a rien d’un geste sincère vers un cessez-le-feu. Tout semble tendre vers un piège.
Un suicide politique à Moscou
Pour Volodymyr Zelensky, se rendre à Moscou est tout simplement inimaginable. Rien que d’un point de vue sécuritaire, ce serait une folie: le président ukrainien se déplacerait au cœur du territoire de l’agresseur, sans protection ni garanties. Dan Hoffmann, ancien responsable de la CIA à Moscou, a prévenu sur Fox News: «Zelensky serait pratiquement prisonnier en Russie – une cible parfaite pour le chantage politique.» Et la sécurité n’est que la première raison.
Politiquement, le président ukrainien s’anéantirait en se rendant à Moscou. Se jeter dans la gueule du loup, c’est accepter implicitement les règles fixées par celui-ci. Et c’est précisément l’objectif de Poutine: donner l’image d’une Ukraine contrainte à se soumettre, prête à renoncer à ses exigences.
Mais Volodymyr Zelensky sait qu’un tel geste lui coûterait toute crédibilité auprès de son peuple et de ses alliés occidentaux. C’est pourquoi Kiev insiste sur le fait que seules des pays neutres comme la Suisse, le Vatican ou l’Autriche peuvent servir de cadre à des pourparlers. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andrij Sybiha dénonce à ce titre une «proposition délibérément inacceptable» de Poutine.
Poutine, gagnant à chaque coup
Le calcul du Kremlin est simple: si Zelensky refuse, Poutine peut le faire passer pour un «inflexible», un «peureux», voire un «ennemi de la paix». S’il accepte, il apparaîtra comme un président à genoux, offrant une légitimité à son agresseur. Dans les deux cas, Poutine sort gagnant.
Sur la scène internationale, il se met en scène comme un homme d’Etat soi-disant ouvert aux négociations, tout en accentuant la pression sur son adversaire. Et si Volodymyr Zelensky ne se montrait pas disposé à discuter, Poutine menacerait de mettre fin au conflit «par la force des armes» si nécessaire.
En parallèle, l’invitation s’inscrit dans un autre jeu: celui de la politique américaine. Donald Trump pousse depuis des semaines à une rencontre entre les deux camps. Poutine le sait et profite de son invitation à Moscou pour se présenter à Washington comme un dirigeant prêt au compromis.
La peur de Poutine
C’est aussi là que se révèle la faiblesse de Poutine: il a perdu depuis longtemps le contrôle du récit. Dans des Etats neutres, il ne pourrait pas imposer ses exigences – pas d’adhésion à l’OTAN, reconnaissance des annexions, levée de la loi martiale – sans passer pour un obstacle à la paix. Il a donc besoin de la scène moscovite, où il dicte les règles. Son invitation n’est pas un signe de force, mais l’aveu d’une crainte: perdre la maîtrise du cadre des négociations.
C’est ainsi que se dévoile le vrai visage de l’intransigeance. Pas celui de Volodymyr Zelensky, qui répète depuis longtemps sa disponibilité à discuter dans des pays neutres. Mais bien celui de Poutine, qui n’acceptera a paix qu'à ses conditions – une paix qui sacrifierait l’Ukraine. Derrière l’invitation à Moscou ne se cache aucune volonté d’entente, seulement la tentative d’imposer une capitulation. En somme, une paix à la Russe.