Lorsque la guerre a commencé, des millions de tonnes de céréales ont été bloquées dans les ports ukrainiens de la mer Noire. Les deux fronts se sont mis d’accord pour ne pas attaquer les navires céréaliers. Cet accord a pris fin lundi à minuit (23h00, heure suisse). Le président russe refuse actuellement de prolonger cette entente, comme l’a annoncé le Kremlin. Le président turc Reccep Tayyip Erdogan a toutefois bon espoir de faire changer d’avis Vladimir Poutine dans les prochains jours.
Voici ce qu’il faut savoir sur l’accord et les conséquences de sa résiliation:
Pourquoi l’accord sur les céréales est-il nécessaire?
Le 22 juillet 2022, la Russie et l’Ukraine ont signé, avec la médiation de l’ONU et de la Turquie, un accord visant à garantir le passage en toute sécurité des navires céréaliers en provenance de trois ports ukrainiens de la mer Noire à travers le Bosphore. Des inspections doivent notamment garantir que les navires de denrées alimentaires ne transportent pas d’armes.
Quels ont été les résultats de l’accord?
Cet accord a permis à l’Ukraine d’exporter 33 millions de tonnes de céréales, ce qui a fait chuter le prix des denrées alimentaires. Les céréales ukrainiennes nourrissent environ 400 millions de personnes. Et les pays pauvres sont les plus concernés.
Pourquoi Poutine n’a-t-il pas prolongé l’accord?
Le Kremlin exige l’assouplissement des sanctions, notamment celles contre la banque agricole russe qui ne peut plus effectuer d’opérations. L’UE a proposé à cet effet la création d’une filiale de la banque agricole, mais Moscou a qualifié ce projet de «délibérément irréalisable».
Quelles sont les routes de transport alternatives?
Jusqu’au début de la guerre, plus de 90% des exportations ukrainiennes passaient par les ports de la mer Noire. «Maintenant, l’Union ukrainienne des céréales veut envoyer plus de céréales par le Danube vers les ports de la mer Noire du pays voisin, la Roumanie, et estime qu’il est possible de doubler les exportations mensuelles sur cette route pour atteindre quatre millions de tonnes», explique Saskia Kobelt, Emergency Programs Manager pour Unicef Suisse et Liechtenstein.
Les céréales pourraient également être transportées par train en passant par la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie. Les trains de marchandises sont cependant trop petits pour transporter les quantités de céréales nécessaires et l’écartement des voies de ces différentes routes diffère fortement. De plus, le transit par les pays de l’Est de l’UE provoque, pour des raisons de concurrence, le mécontentement des agriculteurs locaux.
Des millions de tonnes de céréales vont-elles pourrir?
Selon Saskia Kobelt, le problème n’est pas tant le risque de décomposition des céréales, mais plutôt le fait que ces dernières pourraient se retrouver sur le mauvais marché. Les céréales ukrainiennes pourraient en effet trouver des débouchés en Europe, et donc concurrencer les céréales d’autres pays d’Europe de l’Est. «Cela pourrait même conduire à un afflux trop important de céréales, car la production dans les pays de l’Est de l’UE est actuellement très élevée», ajoute-t-elle.
A combien s’élève la production de céréales en Ukraine?
Avant l’invasion russe, la production de céréales et d’oléagineux s’élevait à environ 106 millions de tonnes, selon l’Union céréalière ukrainienne. L’année dernière, la récolte s’est effondrée à 67 millions de tonnes. Pour l’année en cours, la fédération s’attend à un nouveau recul à 50 millions de tonnes.
Sans cet accord, Poutine va-t-il tirer sur les bateaux de céréales?
Nous ne savons pas encore comment le président russe va procéder avec la fin de l’accord. Nous pouvons, par exemple, imaginer qu’il demande une rançon pour chaque navire de céréales. L’absence de contrat devrait également entraîner une hausse massive des coûts d’assurance pour les navires. Sans l’accord avec la Russie, les armateurs pourraient donc hésiter à faire partir leurs navires.
Quelles sont les conséquences pour le monde?
Les prix des denrées alimentaires devraient à nouveau augmenter. Les pays du Sud sont les plus touchés. Unicef Suisse s’attend à une augmentation des famines ainsi qu’à une nouvelle déstabilisation des régions vulnérables qui souffrent déjà de conflits, de crises économiques et de sécheresse.