Sauver les apparences
Poutine essaie de garder la face avec son défilé de chars, mais c'est raté

Pour la «Journée de la Victoire» russe sur les nazis en 1945, Vladimir Poutine a de nouveau fait rouler des chars à travers Moscou, sous les yeux d'une foule d'invités internationaux. Xi Jinping et deux chefs d'Etat européens étaient présents auprès de lui.
Publié: 09.05.2025 à 17:38 heures
Vladimir Poutine avec son invité d'honneur Xi Jinping à la tribune du défilé militaire de Moscou.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

Vladimir Poutine en fait des caisses. C'est le constat évident que nous pouvons tous faire face au défilé militaire moscovite ce vendredi 9 mai. Mais la parade que le dirigeant russe a fait miroiter à ses invités sur la place Rouge s'est montrée peu convaincante. En regardant attentivement ce spectacle donné à l'occasion de la «Journée de la Victoire» sur les nazis, la Russie ne semble plus à la hauteur des envies de Poutine – 80 ans après la Seconde Guerre mondiale et trois ans après son invasion de l'Ukraine.

Commençons par lister les invités. Seuls les chefs d'Etat du Venezuela, du Brésil, de la Serbie et de la Slovaquie ont fait le déplacement depuis l'hémisphère occidental. Le Premier ministre slovaque Robert Fico et le président serbe Aleksandar Vucic ont dû faire des détours pour se rendre à Moscou, la Pologne et les pays baltes leur ayant refusé le droit de survoler leur territoire.

«Ce défilé a essayé de cacher des déficits»

Heureusement que le président chinois Xi Jinping était là pour rattraper le coup, surtout qu'il a fait défiler une délégation de soldats chinois lors de la parade militaire. Cette prise de position claire enlève toute crédibilité à la Chine comme médiatrice dans la guerre en Ukraine.

Autre point faible de l'évènement: les systèmes d'armes déployés. En plus des colonnes interminables de régiments russes, Poutine a fait défiler devant la tribune d'honneur des chars, des porte-artillerie, des missiles intercontinentaux et des drones.

Marcel Berni, expert militaire de l'EPFZ nous explique ce choix à rallonge: «Cette mise en scène devait suggérer la supériorité militaire de la Russie, mais sur le front, on constate une pénible guerre d'usure. Ce défilé a plus essayé de cacher des déficits qu'il n'a prouvé une réelle force militaire.» Selon lui, l'éclat du défilé contraste fortement avec les performances militaires des Russes en Ukraine.

Un discours tiré par les cheveux

Les grands absents du défilé sont les véhicules de transport blindés, raison pour laquelle les soldats russes sont souvent transportés dans des voitures civiles à travers les zones de conflit. Des analystes japonais ont observé de près les images satellites et ont révélé que la Russie installait de fausses défenses antiaériennes à l'Est, car elle avait un besoin urgent de tous ses systèmes de défense à l'Ouest.

Autre point faible du défilé: les tentatives d'aveuglement de Poutine. Dans son discours, le criminel de guerre a tellement déformé la réalité que même ses citoyens, aveuglé par sa propagande, pourraient se poser des questions. Lorsque le chef du Kremlin, qui a à son actif des centaines de milliers de morts et des millions de familles traumatisées, parle de son «combat pour l'humanisme et la justice», il y a de quoi s'interroger.

Zelensky balaie Poutine

Rappelons que la contribution soviétique à l'élimination des nazis, à laquelle le peuple ukrainien a également participé, est louable. Néanmoins, Poutine abuse de l'Histoire pour justifier ses actes. Gulnaz Partschefeld, chargé de cours en histoire culturelle de la Russie à l'université de Saint-Gall, nous explique: «Le Kremlin instrumentalise le mythe victimaire de la Grande Guerre patriotique pour présenter la guerre contre l'Ukraine comme une bataille défensive existentielle.» 

Parmi les vétérans de la Guerre mondiale, seules quelques dizaines seraient encore en vie. Pour Gulnaz Partschefeld, c'est pour cette raison que le Kremlin a fait appel à des vétérans de la guerre d'Ukraine. «On construit ainsi une continuité de la lutte contre un fascisme prétendument persistant en Ukraine.»

Volodymyr Zelensky a prononcé son propre discours à l'occasion du 80e anniversaire de la capitulation nazie, célébrée par l'Ukraine et l'Europe le 8 mai. Le président ukrainien s'est filmé en train de se promener le long de la grande avenue Khreshchatyk à Kiev, sur laquelle il avait fait placer des chars russes brûlés il y a encore trois ans. Zelensky a fustigé les «assassins en approche» de Moscou et remercié l'Histoire d'avoir permis à «l'Ukraine d'échapper à ce bourbier».

Il a conclu avec ces mots: «On ne peut pas apaiser le mal. Il faut le combattre!» Zelensky l'assure: il le fait avec son armée, non pas lors du défilé à Kiev, mais en combattant sur le front contre les sbires de Poutine, sans caméras de télévision ni musique d'ambiance.

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