Elon Musk, déporté vers l’Afrique du Sud, son pays natal? A priori impossible, puisque le milliardaire a obtenu la nationalité américaine en 2002, dix ans après son installation aux Etats-Unis où il était rentré, muni d’un visa étudiant, comme ressortissant canadien. En s’exclamant cette semaine: «Il devrait retourner en Afrique du Sud», Donald Trump a donc proféré un conseil marqué du sceau de la colère, plus qu’une menace. Sauf que les choses sont en train de changer à vitesse grand V aux Etats-Unis, en matière de dénaturalisation et d’expulsion manu militari des migrants jugés indésirables.
Dernière décision en date: celle de la Cour suprême (dominée par une majorité de six juges conservateurs contre trois progressistes) qui a autorisé jeudi 3 juillet l’expulsion de huit clandestins vers… le Soudan du Sud! Pourquoi envoyer des déportés vers ce pays, indépendant depuis le 9 juillet 2011? Parce que ses dirigeants ont impérativement besoin des géants pétroliers américains pour faire jaillir l’or noir de leur sous-sol. Le Soudan du Sud ne peut donc rien refuser à l’administration Trump. D’autant que son voisin du nord est en pleine guerre civile.
Huit expulsés
Les huit expulsés, qui avaient quitté par la force le territoire des Etats-Unis se trouvaient depuis un mois sur une base militaire américaine à Djibouti. Ils y avaient été envoyés en mai. Tous avaient un casier judiciaire. Un seul d’entre eux est de nationalité soudanaise. Leur renvoi, menottes aux poignets et chaînes aux pieds, a vocation à servir de modèle pour d’autres expulsions. Les services de l’immigration (ICE) ont fait savoir qu’ils enverront rapidement de nombreux clandestins, originaires de pays du monde entier, vers le Sud Soudan. Ni les États-Unis, ni le pays africain, n’ont indiqué ce qu’il adviendrait de ces hommes à leur arrivée à Juba, la capitale.
Elon Musk devrait aussi regarder de près une autre promesse de l’administration Trump: celle d’accélérer le processus de dénaturalisation. Dans un mémo interne daté du 11 juin 2025, le Département de la Justice (DOJ) a confirmé que le retrait de la citoyenneté américaine doit devenir une priorité majeure. Ces dénaturalisations ne se feront pas via des poursuites pénales, mais par des procédures civiles. Conséquences: les personnes visées n’ont pas droit à un avocat commis d’office, et le gouvernement a besoin de preuves moins contraignantes pour leur retirer la citoyenneté.
Dénaturalisation accélérée
Qui peut être visée par la dénaturalisation? Toute personne naturalisée américaine, c’est-à-dire un citoyen non né aux États-Unis, ayant obtenu la citoyenneté américaine et commis certains actes graves avant sa naturalisation. Le mémo énumère une liste étendue de ces actes, allant des crimes violents aux fraudes financières comme l’abus des aides COVID ou les fraudes Medicaid/Medicare.
Rien de cela, heureusement pour Elon Musk, ne concerne l’homme le plus riche du monde. Encore que. Le propriétaire de Tesla a touché près de 16 milliards de dollars d’aides pour son constructeur automobile. Selon le «Washington Post», l’empire d’Elon Musk a bénéficié de 38 milliards de dollars d’aides, de financements et de commandes publiques pour le compte de Tesla et de sa société aérospatiale SpaceX (environ 22,6 milliards). Qu’adviendrait-il si un rapport du Congrès, ou une enquête du Département de la Justice, démontrait que cet argent a été mal utilisé?