Les juifs et Israéliens de Suisse réagissent à la nouvelle offensive contre Gaza
«En tant qu'Israélien, j'ai honte!»

A des milliers de kilomètres du conflit, l’inquiétude grandit. Après les dernières déclarations de Benjamin Netanyahu sur Gaza, juifs et Israéliens de Suisse expriment leur angoisse. Blick les a rencontrés.
Publié: 20.05.2025 à 11:41 heures
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Dernière mise à jour: 20.05.2025 à 12:04 heures
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Roy Wagner, professeur à l'EPFZ et Israélien, ne voit pas d'un bon œil la démarche actuelle de son pays.
Photo: ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv
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Sandro Zulian

Des centaines de personnes ont déjà perdu la vie dans la vaste opération militaire lancée par l’armée israélienne à Gaza. Sous l’impulsion du Premier ministre Benjamin Netanyahu, une offensive terrestre a été déclenchée vendredi. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il a affirmé: «Nous allons contrôler l’ensemble de la bande de Gaza.»

L’opération, baptisée «Gideon’s Chariot» («Le chariot de Gédéon» en français), vise à reprendre le contrôle total du territoire. Des zones humanitaires seraient ensuite mises en place. Les objectifs affichés d’Israël sont de récupérer 20 otages vivants et les corps de 35 autres, puis éliminer la milice terrorriste du Hamas.

Les deux camps en souffrance

Blick a recueilli les témoignages de juifs et d’Israéliens vivant en Suisse. Roy Wagner, mathématicien, philosophe et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), n’y va pas par quatre chemins. Installé en Suisse depuis neuf ans, il précise d’emblée que ses propos n’engagent pas l’EPFZ.

«Une escalade de la violence israélienne ne résoudra rien, déclare-t-il. Elle ne fera qu’aggraver la souffrance des civils et des otages des deux côtés.» Il craint aussi que cette spirale de violence n’alimente davantage de représailles palestiniennes. «Même si le Hamas était démantelé, la stratégie actuelle d’Israël mènera inévitablement à de nouvelles explosions de violence.»

Roy Wagner estime par ailleurs que Benjamin Netanyahu est de plus en plus contesté dans son propre pays. «Beaucoup d’Israéliens perçoivent cette guerre comme une manœuvre pour assurer la survie politique de son gouvernement. De nouvelles élections pendant un conflit sont peu probables.»

Vers un message plus clair

Pour Roy Wagner, les réactions internationales restent trop timides. «La communauté internationale devrait envoyer un message plus clair», affirme-t-il. Il accuse également Israël d’avoir, par le passé, sciemment saboté la solution à deux Etats en poursuivant une politique de colonisation active en Cisjordanie. «Les initiatives palestiniennes non violentes ont souvent été assimilées à du terrorisme et réprimées brutalement.»

Quant à l’avenir, le pessimisme de Roy Wagner est palpable: «Penser à ce que nous réserve l’avenir me brise le cœur. Mon seul espoir réside dans une nouvelle génération d’activistes et de dirigeants capables d’imaginer une issue politique différente, fondée sur les sanctions et une vision renouvelée.»

«La situation est absolument atroce»

Adina Rom, membre fondatrice du Forum juif suisse Gescher, partage cette inquiétude. «La situation humanitaire à Gaza est déjà absolument atroce. Et l’idée que les attaques puissent encore s’intensifier me révolte, confie-t-elle. Même au sein des responsables de sécurité israéliens, certains estiment que cette guerre ne sert ni la sécurité d’Israël ni la libération des otages, mais uniquement la survie politique de Netanyahu.»

Elle rappelle également que la population israélienne vit, elle aussi, dans la peur: «Cette offensive brutale n’est pas une réponse adéquate à l’attentat du 7 octobre 2023.»

«Imposer des sanctions économiques à Israël»

Le rabbin Ruven Bar Ephraim, de la communauté juive libérale Or Chadasch à Zurich, va plus loin. Il accuse Benjamin Netanyahu d’instrumentaliser le massacre du 7 octobre pour son propre maintien au pouvoir. Pour lui, le monde doit cesser de se contenter de condamnations symboliques: «Il faut sérieusement envisager des sanctions économiques contre Israël. L'offensive bafoue les droits humains.»

Pour Ruven Bar Ephraim, la situation est intolérable: «J'en ai honte en tant qu'Israélien. La seule issue possible passe par un nouveau gouvernement, sincèrement engagé en faveur d’une solution pacifique.»

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