Par ses annonces fracassantes de nouveaux droits de douane, Donald Trump a peut-être signé à lui tout seul la fin de notre société de libre-échange économique. C’est du moins ce que concluent certains observateurs au lendemain de ce mercredi 2 avril. Ces décisions constituent une vraie déclaration de guerre économique adressée en particulier aux concurrents des USA que sont la Chine et l’Union européenne (UE).
Impact pour la Suisse, réactions du monde entier, petites incohérences typiquement américaines. Faisons le point sur les informations essentielles et mémorables autour de ce «coup de massue» asséné à 22h30 (heure suisse) au reste du monde par le président des Etats-Unis.
Le chiffre du jour: 31%… ah non, 32%
Les annonces de la Maison Blanche ont semé le chaos. Tout a commencé par une taxe plancher de 10% imposée à toutes les importations de produits aux Etats-Unis. Sur cette base, certains pays se sont vus imposer des sanctions commerciales encore plus importantes. Ces mauvais élèves astreignent les USA à des taxes trop importantes, selon l’administration Trump. C’est le cas de l’UE (qui s’en tire avec une surtaxe de + 20%) et de la Chine (+ 34%), qui sont ainsi punis.
Entre les deux, se trouve la Suisse – citée nommément par Donald Trump au moment de lister des exemples précis. La Maison Blanche a annoncé des taxes douanières de 31% sur la plupart des exportations en provenance de la Suisse. La raison de ce chiffre élevé? Les prétendues taxes douanières de 61% qu’imposerait la Suisse aux USA, un chiffre calculé par les équipes de Trump, à l’aide d’un calcul questionnable tant il est simpliste.
Enfin, ça, c’était hier. Ce jeudi, le gouvernement américain se contredit dans certains documents. Et c’est encore pire: ces 31% ont été ajustés à 32% dans le décret d’applications des tariffs – le nom anglais de ces droits de douane. Les raisons de ces écarts du jour au lendemain restent floues pour le moment.
Tout le monde morfle (enfin, sauf les Russes)
Tous les pays du monde en ont pris pour leur grade et pour leurs relations économiques avec la première puissance occidentale… enfin presque. Contrairement à la Suisse ou à l’Ukraine, la Russie n’est pas sur la liste noire de Trump. La superpuissance de l’Est échappe curieusement aux nouvelles mesures, pareil pour la Biélorussie, la Corée du Nord et Cuba.
La raison selon les USA? Les sanctions de Washington à Moscou empêcheraient déjà tout échange commercial significatif avec ces pays. Pourtant, d’autres pays sous sanction américaine, l’Iran et la Syrie, se voient toutefois imposer des droits de douane Et la Russie exporte bel et bien des produits vers les Etats-Unis.
De l’autre côté de la balance, le Lesotho et le territoire français d’Outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon prennent le tarif maximal de 50%. Le Cambodge (49%), le Laos (48%) et Madagascar (47%) sont aussi durement touchés. Même des territoires inhabités, comme l’île australienne d’Heard et McDonald, au sud du Pôle Nord, et le Svalbard (Norvège) se sont vus imposer des droits de douane.
Certaines marchandises constituent des exceptions aux nouvelles règles. C’est entre autres le cas des médicaments, pour le plus grand bonheur de l’industrie pharmaceutique suisse. Pareil pour les lingots d’or, les produits du bois, les produits à base de cuivre (conducteurs et semi-conducteurs), l’énergie et les minéraux qui ne sont pas disponibles aux Etats-Unis. Citons encore les automobiles (entières ou en pièces détachées), qui sont déjà soumises à une taxe de 25%.
En Suisse, figures politiques et industries réagissent
Il n’a fallu qu’une demi-heure à la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter (PLR) pour réagir aux annonces. Sur son compte X, elle déclare que le Conseil fédéral a pris note des décisions douanières américaines et que des décisions seront rapidement prises pour assurer «les intérêts économiques à long terme» de notre pays.
Pour l’ancien conseiller fédéral valaisan Pascal Couchepin, interviewé par Blick, il y a «quelque chose de suicidaire dans ces décisions sur les droits de douane». Selon l’ex-chef du Département de l’Economie, Trump veut simplifier les choses, mais les marchés ne vont pas réagir comme il le souhaite.
Une réaction forte des autorités suisses était attendue par les milieux politiques et économiques. La Suisse ne prévoit aucune mesure de rétorsion, a annoncé la Présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter dans une conférence de presse organisée à 15h. De son côté, le conseiller fédéral chargé de l’Economie Guy Parmelin promet un «dialogue» avec les autorités américaines sur la question. Tous deux comptent bien se rendre sur place, aux USA. Mais pour quels résultats?
Les USA menacés de contre-mesures
Le ministre des Finances américains a conseillé à ses homologues internationaux de ne pas répliquer aux décisions prises par son administration. Pourtant, l’UE a déclaré ce jeudi matin qu’elle finalise un premier paquet de mesures pour répondre aux taxes douanières sur l’acier. D’autres mesures sont prévues «pour protéger nos intérêts et nos entreprises si les négociations échouent», a déclaré la présidente de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen voit dans la démarche trumpiste «un coup dur pour l’économie mondiale». Du côté de la Chine, on menace aussi les Etats-Unis de lancers des contre-mesures. La superpuissance asiatique rejette fermement les annonces d’augmentation des droits de douane, a déclaré le ministère du Commerce. La Chine dénonce une «forme de harcèlement» économique. Selon le ministère du Commerce, les «évaluations subjectives et unilatérales de la part des États-Unis» ne seraient pas conformes aux règles du commerce international.
Fin du «Made in China»: les bourses plongent… et maintenant?
L’annonce de Trump a fait l’effet d’une bombe pour les marchés financiers. Les bourses européennes, suisse, chinoise et japonaise s’effondrent. Pareil pour la bourse américaine et le dollar, menaçant ainsi l’économie interne au pays. Mais pour Donald Trump, les Etats-Unis en ressortiront «plus forts».
Les secteurs de la technologie et du textile ont perdu de la valeur. En effet, beaucoup de marques de vêtements et d’appareils électroniques dépendent de la production en Chine. Le cours du pétrole a, lui aussi, vécu un sacré contrecoup. Tandis que le cours de l’or, moins touché par les droits de douane a pris de la valeur.
Les premiers tarifs réciproques (taux de base) entreront en vigueur le 5 avril. Les tarifs plus élevés annoncés par Trump entreront en vigueur le mercredi 9 avril. Le président américain a déclaré l’état d’urgence national en raison des risques sécuritaires et économiques liés aux déficits commerciaux avec d’autres pays. Les tarifs douaniers resteront en vigueur jusqu’à ce que, selon Trump, ces risques soient «minimisés».