Après un suspense haletant, le leader centriste Rob Jetten a revendiqué la victoire aux élections législatives aux Pays-Bas, après que l'agence de presse locale ANP a indiqué que l'extrême droite ne pourra plus combler son retard.
«Je suis incroyablement heureux. En même temps, je ressens une grande responsabilité», a déclaré Rob Jetten aux journalistes. Que va-t-il se passer maintenant aux Pays-Bas, chahutés par des mois de chaos politique orchestré par le leader d'extrême droite Geert Wilders? En résumé: des mois de discussions pendant lesquels les chefs de parti vont tenter de former une coalition viable et de négocier un programme gouvernemental acceptable pour tous.
Le dépouillement est-il terminé?
Avec les bulletins de vote comptés dans toutes les circonscriptions sauf une sur 342 et les trois îles des Antilles néerlandaises, Rob Jetten détient une avance de 15'155 voix sur Geert Wilders. Venray, petite ville du sud-est des Pays-Bas, devrait annoncer ses résultats plus tard dans la journée, après des retards dus à un incendie survenu le soir des élections. Cette circonscription est traditionnellement favorable à Geert Wilders et son parti d'extrême droite, le PVV.
Mais les votes par correspondance de quelque 90'000 expatriés néerlandais devraient être décisifs. Ils ne seront dépouillés qu'au plus tôt lundi soir, mais devraient profiter à Rob Jetten. Le résultat officiel sera annoncé vendredi prochain par le Conseil électoral.
Comment se déroulent les négociations?
Le chiffre magique est 76. C'est le nombre de sièges nécessaires à une coalition pour avoir une majorité au Parlement, qui en compte 150. Dès la proclamation des résultats définitifs, les calculs seront faits pour déterminer quelle combinaison des nombreux partis en lice permettra d'atteindre ce nombre. Selon une estimation de l'agence de presse ANP, le D66 et le PVV obtiendraient chacun 26 sièges.
Si Rob Jetten remporte les élections comme projeté, il aura la priorité pour former une coalition, «un processus complexe et passionnant», comme le décrit le site web du Parlement. Dans un premier temps, les partis politiques désignent un «éclaireur» qui se renseigne pour déterminer quels partis sont disposés à s'allier.
Ensuite, le Parlement nomme un «informateur» chargé d'évaluer les contours possibles d'un accord de coalition. Jusqu'à 2012, cette personne était nommée par le roi. Lorsqu'un groupe se dessine pour travailler ensemble, un «formateur», presque toujours le leader du parti arrivé en tête, entre en scène pour constituer un gouvernement. Un accord de coalition est ensuite signé et le nouveau gouvernement présente son programme au Parlement, suivi d'un vote de confiance.
Combien de temps cela prend-il?
Une éternité. Les partis rivalisent pour faire figurer un maximum de points de leur programme dans l'accord de coalition, et ce, avant même la course aux postes ministériels. Le dernier gouvernement du Premier ministre démissionnaire Dick Schoof a mis 223 jours à se former. Tous les partis ont cependant déclaré vouloir que le processus soit bouclé au plus vite cette fois.
«On imagine aisément que parvenir à un compromis entre quatre partis aux idéologies différentes sera extrêmement difficile», observe Sarah de Lange, professeure de sciences politiques à l'université de Leyde. «Il est donc fort probable que la formation d'une coalition prenne beaucoup de temps, entre six mois et un an, par exemple», ajoute-t-elle, interrogée par l'AFP. Dick Schoof a d'ailleurs déclaré qu'il s'attendait à toujours être Premier ministre à Noël. Rob Jetten lui-même a admis que ce serait «compliqué», mais qu'il n'y avait pas de temps à perdre car «les Néerlandais nous demandent de nous mettre au travail».
Quelles sont les possibilités?
Avec la quasi-totalité des votes dépouillés, une coalition quadripartite composée du D66 (26 sièges), du VVD libéral (22), de l'alliance de gauche Verts/Travaillistes (20) et du CDA de centre droit (18) pourrait former un gouvernement. D'autres partis plus petits pourraient jouer un rôle crucial, comme le JA21 d'extrême droite (9). Il y a aussi la possibilité d'un gouvernement minoritaire, mais cette option n'est pas privilégiée.
Qui commande d'ici là?
Jusqu'à l'investiture officielle d'un nouveau gouvernement, le gouvernement démissionnaire de Dick Schoof gère les affaires courantes. Généralement, la transition se déroule sans encombre. Le pays en a l'habitude, car jamais dans l'histoire des Pays-Bas un parti n'a obtenu plus de 50% des voix.
«Le gouvernement démissionnaire dispose de pouvoirs assez étendus pour gouverner les Pays-Bas, notamment celui de voter un budget et de modifier la législation», explique Mme De Lange. «Les Pays-Bas ne sont donc pas totalement paralysés jusqu'à la formation d'une nouvelle coalition après ces élections», note-t-elle.