Violences faites aux enfants, état du monde, réchauffement climatique : l'angoisse des jeunes face à l'actualité a progressé en 2024 en France, une tendance sur laquelle il est possible d'agir, estiment des spécialistes.
«On sent que les adolescents sont inquiets, ils ont une souffrance qui augmente c'est sûr mais ce n'est pas irrémédiable», souligne auprès de l'AFP la pédopsychiatre Marie-Rose Moro.
Hausse de l'angoisse
Selon le baromètre annuel Ipsos publié vendredi, l'angoisse des jeunes âgés de 11 à 15 ans face aux informations a atteint un niveau record l'an dernier (31%, +2 points en un an, +5 points depuis 2021). L'incompréhension reste majoritaire (50%), loin devant la colère (26%) et l'ennui (17%).
Réalisée depuis 2021 pour l'association «Notre avenir à tous», en partenariat avec la chaire innovation santé de l'Essec, cette étude a été menée auprès de 1.000 jeunes du 22 novembre au 6 décembre 2024, avant les derniers soubresauts géopolitiques liés aux Etats-Unis.
Parmi les sujets d'actualité jugés les plus stressants par cette classe d'âge, 44% citent les violences faites aux enfants (racket, harcèlement à l'école, pédophilie), 41% (+11 points) l'état du monde (relations entre les pays, situation dans les autres pays que la France, guerres, etc.).
Le climat inquiète
L'état de la planète (réchauffement climatique, tempêtes, espèces en voie de disparition...) arrive en troisième position (39%). «Cette angoisse des jeunes face à l'actualité n'est pas nouvelle. Par définition, c'est un des défis de l'adolescence de se confronter à la réalité du monde et de ses incertitudes, et de ses guerres, et de ses changements climatiques», souligne Marie-Rose Moro.
Mais depuis quelques années, la cheffe de service de la maison de Solenn, maison des adolescents de l'hôpital Cochin à Paris, relève une «préoccupation nouvelle» des adultes, notamment des parents, qui «projettent sur les plus jeunes beaucoup d'angoisse et de pessimisme».
Or, insiste-t-elle, les adultes peuvent «aider les plus jeunes en leur donnant les moyens de gérer et d'agir. Cela passe par l'école, les cours d'histoire, de philosophie, de géographie, de français, le développement de l'esprit critique».
Santé mentale instable
Un avis partagé par la pédopsychiatre Laelia Benoit, qui mène depuis 2021 une étude sur l'impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents.
«On a fait une étude qui a comparé le message à transmettre aux jeunes par rapport au climat parce que c'est toujours une question que les adultes se posent: est-ce qu'on peut en parler? Comment on en parle? Est-ce qu'il faut être optimiste? Est-ce qu'il faut être pessimiste? On a peur d'aggraver leur anxiété», souligne la chercheuse à l'Inserm et au Yale Child Study Center.
«On a comparé message optimiste, message pessimiste et absence de message. L'étude montre que le pire pour l'ecoanxiété c'est l'absence de message, qui est compris comme de l'indifférence», ajoute-t-elle. «Et l'idéal, c'est d'en parler de manière optimiste.»
Augmenter l'espoir et la capacité d'action
Comme Marie-Rose Moro, elle insiste sur l'importance de l'action «concrète» pour les jeunes générations. «L'objectif ne va pas être forcément de résorber concrètement l'eco-anxiété, cela va être surtout d'augmenter l'espoir et la capacité d'action. Si on agit, ça préserve la santé mentale. Ça peut passer par la vente de vêtements d'occasion dans son école ou par l'installation de panneaux solaires sur le toit de l'école...»
Sur la question de la santé mentale, décrétée grande cause nationale 2025 par le gouvernement Bayrou, plus de deux jeunes interrogés dans le cadre de l'étude Ipsos sur cinq (45%) sont touchés par des troubles de l'anxiété. Ils étaient 49% en 2023.
Face à leurs problèmes de santé mentale, la grande majorité des adolescents interrogés confient rester seuls – 7 sur 10 n'en parlent pas à des professionnels de santé. Au-delà de l'actualité, l'école est une source d'angoisse fréquente pour plus d'un adolescent sur quatre: 62% des adolescents interrogés disent notamment être très angoissés par les interrogations ou les notes.