Ce sont des termes très durs qui ont été utilisés par les chefs du gouvernement du Danemark, de l'Italie, de l'Autriche et de six autres pays européens pour critiquer le Conseil de l'Europe, et plus particulièrement la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Celle-ci serait allée «trop loin» dans l'interprétation des questions migratoires par rapport à l'intention initiale de la Convention des droits de l'homme.
Dans la lettre ouverte initiée par la Première ministre danoise Mette Frederiksen et son homologue italienne Giorgia Meloni, ces neuf gouvernements demandent une discussion fondamentale sur l'interprétation de la convention. «Nous avons par exemple vu des cas où l'expulsion d'étrangers criminels a conduit à la protection de la mauvaise personne en raison de l'interprétation de la convention», peut-on lire dans la lettre.
Eviter les pressions politiques sur la Cour
«A notre avis, la sécurité et la protection des victimes et de la grande majorité des citoyens respectueux de la loi sont un droit crucial et indispensable. Et ce droit devrait en principe prévaloir sur toute autre considération», expliquent les neuf chefs de gouvernement. Au niveau national, ils demandent une plus grande marge de manœuvre pour l'expulsion des criminels étrangers. «Cela vaut par exemple pour les cas de criminalité violente grave ou de criminalité liée à la drogue.»
L'ancien conseiller fédéral suisse Alain Berset est l'actuel secrétaire général du Conseil de l'Europe à Strasbourg. Il répond à la lettre d'un air dubitatif: «Il s'agit de questions complexes et une démocratie doit toujours être ouverte à la réflexion par des canaux institutionnels appropriés. Toutefois, la clarté est essentielle.»
Il ajoute que la Cour est indépendante et impartiale. «Débattre est bénéfique, mais politiser la Cour ne l'est pas, déclare Alain Berset. Dans une société fondée sur l'État de droit, aucune autorité judiciaire ne devrait être soumise à des pressions politiques. Les institutions qui protègent les droits fondamentaux ne doivent pas se plier aux caprices de la politique.» Dans le cas contraire, cela risquerait de «mettre en péril précisément la stabilité pour laquelle elle a été créée».
En Suisse aussi, la pression monte
La Suisse n'a pas signé la lettre ouverte, parce qu'elle n'a pas été consultée, comme l'écrit l'Office fédéral de la justice en réponse à la demande de Blick. Il ajoute: «La lettre ouverte évoque le principe de subsidiarité.» Celui-ci est inscrit dans le préambule de la Convention européenne des droits de l'homme et est soutenu par tous les Etats signataires.
Mais en Suisse aussi, la pression augmente. En mai, le Conseil national a approuvé une intervention du conseiller aux Etats argovien Andrea Caroni (PLR). Selon cette proposition, le Conseil fédéral doit rappeler au tribunal «sa mission principale». Cette intervention a vu le jour dans le contexte de l'arrêt sur les seniors climatiques.
«La Cour européenne des droits de l'homme ne doit notamment pas autoriser les recours idéaux des associations et ne doit pas restreindre la marge d'appréciation légitime des Etats par une interprétation excessive des droits fondamentaux», peut-on lire dans l'exposé des motifs. Les travaux correspondants ont déjà été entamés, indique-t-on à l'Office fédéral de la justice. «Le Conseil fédéral proposera en temps voulu des mesures appropriées.»