Une vague d'attaques aériennes russes massives a mis à rude épreuve la défense antiaérienne de l'Ukraine, suscitant des craintes sur sa dépendance envers les armements coûteux fournis par les Occidentaux. Kiev et Moscou ont tenu le 16 mai des pourparlers directs, répondant à l'appel insistant du président américain Donald Trump, mais ne se sont pas accordés sur le cessez-le-feu voulu par l'Ukraine.
La Russie a ensuite lancé, le week-end dernier, l'un de ses pires assauts aériens depuis le début de l'invasion en février 2022, tirant plus de 900 drones et 90 missiles en trois jours. L'Ukraine a abattu plus de 80% de ces projectiles, selon un décompte de l'AFP établi à partir des données de l'armée de l'air, mais une dizaine de personnes ont été tuées par ces bombardements.
Des drones hors d'atteinte
Des experts doutent de la capacité de Kiev à se défendre sur la durée si Moscou maintient, ou intensifie, ses attaques. «Les défenses antiaériennes de l'Ukraine sont sollicitées à l'extrême et ne peuvent garantir la protection de toutes les villes», explique à l'AFP l'analyste militaire Franz-Stefan Gady.
Selon des experts militaires, les attaques de drones et missiles russes sont de plus en plus complexes et difficiles à contrer. Par exemple, environ 40% des drones lancés récemment par la Russie étaient, d'après le décompte de Kiev, des leurres destinés à saturer les défenses antiaériennes. Les forces russes font aussi parfois voler leurs drones à une altitude plus élevée, au-dessus de 2000 mètres, avant de les faire plonger sur leur cible.
Ils sont ainsi «hors d'atteinte des armes légères, des mitrailleuses lourdes et des équipes de tir mobiles», utilisées pour les abattre, a indiqué le porte-parole de l'armée de l'air ukrainienne, Iouriï Ignat, au média RBK Ukraine.
«Il n'y a pas de raison de paniquer»
Face à cette menace, Kiev doit jouer à l'équilibriste : il faut insister sur le danger pour pousser ses alliés à l'aider à renforcer ses défenses antiaériennes, tout en évitant d'inquiéter davantage la population ukrainienne.
«Il n'y a pas de raison de paniquer», dit une source militaire ukrainienne à l'AFP. «On utilise tous les systèmes de défense antiaérienne disponibles en Ukraine, et aussi des hélicoptères et l'aviation», ajoute-t-elle. Plus alarmiste, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui affirmé cette semaine que Moscou avait la capacité d'envoyer 300 à 500 drones chaque jour.
Beaucoup sont des drones explosifs Shahed, de fabrication iranienne, que Kiev abat pour l'instant en utilisant des «options coûteuses», indique l'analyste militaire Serguiï Zgourets. Or, selon lui, l'invasion russe étant une «guerre d'usure» dans laquelle l'économie est clé, l'Ukraine doit trouver des «alternatives moins sophistiquées» pour détruire ces drones.
Développer de nouvelles technologies
Kiev dispose actuellement de plusieurs outils pour protéger son ciel : des avions de combat occidentaux modernes, des systèmes de défense antiaériens comme les Patriots de fabrication américaine, mais aussi des petites équipes mobiles armées. L'Ukraine avait également reçu des systèmes antiaériens français Crotale et franco-italiens SAMP/T, mais a cessé de les utiliser il y a plus d'un an par manque de munitions, a indiqué à l'AFP une source militaire ukrainienne.
Développer de nouvelles technologies est aussi vital, comme le brouillage électronique permettant de faire tomber les drones. L'Ukraine utilise également des intercepteurs: des petits drones, moins onéreux que d'autres, et qui s'attaquent aux drones ennemis en plein vol.
Volodymyr Zelensky a dit mardi souhaiter une augmentation de l'utilisation de ces intercepteurs. L'Ukraine a aussi les capacités de produire encore plus de drones, selon lui, même si des «problèmes financiers» limitent cette ambition.
Des pénuries à venir?
Au-delà des drones, la Russie déploie des missiles balistiques extrêmement rapides, et donc plus difficiles à intercepter. C'est «la plus grande vulnérabilité» de l'Ukraine, selon l'expert Franz-Stefan Gady. Pour repousser les attaques de missiles balistiques, qui font régulièrement des morts à travers le pays, l'Ukraine s'appuie sur un petit nombre de systèmes antimissiles Patriot, de fabrication américaine.
Selon des experts militaires, ils sont concentrés autour de la capitale, Kiev, laissant les autres régions moins protégées. D'après Franz-Stefan Gady, le rythme d'approvisionnement actuel de missiles Patriot est par ailleurs insuffisant, quand on le compare à la production russe de missiles balistiques.
L'Ukraine pourrait aussi être confrontée à des pénuries, en raison de retards dans la production américaine, prévient l'analyste. Des livraisons d'autres systèmes occidentaux sont attendus d'ici 2026, même si les réticences de Donald Trump à fournir une aide militaire supplémentaire à l'Ukraine suscitent des angoisses.
L'assistance approuvée sous son prédécesseur Joe Biden continue d'arriver, mais le nouveau président américain n'a pas encore annoncé de nouvelles mesures de soutien. Après presque chaque frappe, Volodymyr Zelensky rappelle publiquement à ses alliés que la question est pressante. Livrer de nouveaux systèmes revient à donner «une vraie protection aux gens, ici et maintenant», a-t-il insisté la semaine dernière.