Le Kosovo est dans une impasse politique et diplomatique dont il semble incapable de se sortir: la situation dans le nord à majorité serbe ne montre aucun signe d'amélioration et l'Otan évoque «des risques d'escalade». Le Parlement est de son côté plus divisé que jamais et le Premier ministre sortant engage des réformes «provocatrices» selon les plus proches alliés de Pristina. Voici les éléments clés de cette crise dont Pristina ne voit pas la fin.
Crise parlementaire
S'il est arrivé en tête aux élections législatives du 8 février, le parti du Premier ministre sortant Albin Kurti, «Vetevendosje» (centre gauche) n'a pas obtenu assez de sièges pour former une majorité et le Parlement demeure extrêmement divisé. Les députés ont mis des mois à élire leur présidente, et sont désormais incapables d'élire le représentant de la minorité serbe à la vice-présidence.
La majorité refuse le candidat désigné par la Srpska Lista (liste serbe), parti piloté par la Serbie – qui n'a jamais reconnu l'indépendance du Kosovo –, ce qui a poussé le parti à saisir la Cour constitutionnelle. Celle-ci doit se prononcer le 30 septembre au plus tard.
Système parallèle
Nullement gêné par la paralysie parlementaire, le Premier ministre sortant Albin Kurti gouverne comme avant, et poursuit sa politique de démantèlement des institutions parallèles serbes qui, dans le nord du pays, assurent à Belgrade la fidélité des Serbes restées au Kosovo après la guerre d'indépendance.
Banques, bureaux de postes, administration fiscale, délivrance de plaques d'immatriculations serbes... Tous ces bureaux dans lesquels Belgrade employait des milliers de personnes et qui permettait à la minorité serbe de percevoir retraites et aides sociales ont été fermés. L'usage du dinar serbe, jusqu'alors toléré, est interdit depuis le 1er février 2024.
D'alliés à critiques
Après avoir publiquement reproché à Albin Kurti ses actions unilatérales et appelé le Premier ministre à trouver une solution qui ne se fasse pas au détriment des populations serbes, l'Union européenne a introduit des sanctions dès 2023, notamment un gel des fonds de pré-accession proposés par l'UE aux pays candidats. Des mesures «injustes» pour Albin Kurti. Même les Etats-Unis, alliés historiques, ont haussé le ton: l'ambassade américaine à Pristina a annoncé vendredi qu'elle annulait des discussions de haut niveau prévues avec le Kosovo en raison de ses «inquiétudes».
Les actions de Kurti «augmentent les tensions et l'instabilité» dans le pays, affirme le communiqué de la diplomatie américaine. Un porte-parole du Premier ministre a répondu en remerciant les Etats-Unis pour leur soutien constant, ajoutant que le gouvernement était ouvert aux critiques «lorsque celles-ci sont concrètes».
Espions et maintien de la paix
Depuis la guerre d'indépendance (1998-1999), des forces internationales de maintien de la paix sont présentes au Kosovo, où les tensions entre Kosovars d'origines albanaise et serbe ne sont jamais réellement retombées. De quoi alimenter les soupçons d'ingérence et d'espionnage.
En août, un officier militaire croate travaillant pour la KFOR, la force de l'Otan au Kosovo, et sa compagne ont ainsi été arrêtés à Split, en Croatie, soupçonnés d'espionnage pour le compte de la Serbie. L'enquête est en cours, et un porte-parole de l'Otan a déclaré à l'AFP que ces accusations étaient prises «très au sérieux».
Une énième preuve de la volatilité de la situation au Kosovo, qui a poussé le commandant en chef de la KFOR, le général italien Enrico Barduani, à signaler à ses supérieurs à Bruxelles mardi que la situation «reste sujette à des risques d'escalade soudaine, en raison d'une variété de problèmes non résolus».
Elections?
«Le Kosovo n'a pas d'autre choix pour résoudre la crise politique que d'organiser de nouvelles élections», estime l'économiste Safet Gerxhaliu à l'AFP. «Elles doivent être organisées rapidement parce que les citoyens paient un lourd tribut. Si la crise n'est pas résolue d'ici la fin de l'année, nous serons bel et bien dans une impasse.»