Emmanuel Macron, martelant que «rester libre» demeurait le «défi des défis» en Europe, a annoncé mardi que les Européens allaient augmenter la pression sur la Russie via des «sanctions» si elle n'applique pas le cessez-le-feu proposé en Ukraine et proposé d'avancer vers un élargissement en Europe du parapluie nucléaire français.
«Le défi des défis est, dans un monde de plus en plus dangereux, incertain, de rester libre», a lancé le chef de l'Etat sur TF1 au début d'une émission de plus de deux heures intitulée «Les défis de la France».
Dans ce contexte, il a longuement exposé sa position sur l'Ukraine. «Notre volonté, c'est de prendre des sanctions» dans les prochains jours si la Russie «confirme le non-respect» d'un cessez-le-feu, a-t-il assuré.
Emmanuel Macron a évoqué notamment des «sanctions secondaires» pour les «revendeurs» de «services financiers» ou d'«hydrocarbures», alors que Moscou n'a toujours pas répondu à la proposition des Européens, relayée par les Etats-Unis, d'un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours en Ukraine.
Un parapluie nucléaire?
Un tel cessez-le-feu doit ouvrir la voie à des négociations «territoriales», a-t-il ajouté, pointant des choix douloureux à venir pour les Ukrainiens déjà évoqués par l'administration de Donald Trump. «Même les Ukrainiens eux-mêmes ont la lucidité de dire (...) qu'ils n'auront pas la capacité de reprendre l'intégralité de ce qui est pris depuis 2014» par la Russie, a déclaré le chef de l'Etat.
En outre, dans les réflexions sur la défense européenne, la France est «prête à ouvrir» une discussion sur le déploiement d'avions français armés de «bombes» nucléaires dans d'autres pays européens, à l'instar de ce que font les Américains pour partager leur parapluie atomique, a par ailleurs annoncé Emmanuel Macron.
Macron pose trois conditions
Plusieurs pays européens, de l'Allemagne à la Pologne, s'intéressent à l'idée française d'un parapluie nucléaire s'élargissant à l'Europe, alors que les Etats-Unis montrent des velléités de désengagement du continent. «J'en définirai le cadre de manière très officielle dans les semaines et les mois qui viennent», a dit le chef de l'Etat.
Il a posé trois conditions à cette réflexion sur la dissuasion nucléaire française: «la France ne paiera pas pour la sécurité des autres», «ça ne viendra pas en soustraction de ce dont on a besoin pour nous», et enfin «la décision finale reviendra toujours au président de la République, chef des armées».
Le chef de l'Etat, qui tente de renouer avec les Français après le pari raté de la dissolution de l'Assemblée nationale, est interrogé lors de cette émission sur une multitude de sujets, de la fin de vie aux finances publiques, après une entrée de jeu les crises internationales.
Taxer les riches?
Une hausse de la taxation des plus grandes fortunes «a un sens si elle est mondiale», a affirmé mardi Emmanuel Macron, jugeant illusoire de penser que «les gens vont gentiment rester pour être taxés» si elle n'était appliquée que sur le territoire français.
Les députés français ont adopté en février la taxe dite «Zucman», un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des ultra-riches, inspirée par les travaux de l'économiste français Gabriel Zucman, malgré l'opposition de la coalition gouvernementale.
Son examen au Sénat aura lieu en juin, mais une potentielle adoption y est plutôt compromise en raison des forces en présence au sein de cette chambre.
Vers un référendum
Attendu sur le sujet, Emmanuel Macron a expliqué «ne rien s'interdire» en matière de référendum, «à chaque fois qu'on sera trop lent ou bloqué par la situation politique», comme un coup de pression aux partis pour qu'ils fassent des compromis. Sans pour autant annoncer de projet arrêté de consultation des Français à ce stade.
«Je souhaite qu'on puisse organiser une consultation multiple», «plusieurs référendums en même temps dans les mois qui viennent», a-t-il précisé, évoquant en exemple une possible question sur les écrans et l'accès aux réseaux sociaux pour les moins de 15 ans.
Interrogé sur la fin de vie, après un témoignage de l'ancien journaliste Charles Biétry atteint de la maladie de Charcot, il a dit souhaiter que la proposition de loi en cours d'examen «soit votée» au Parlement. Mais sans exclure d'en appeler aux Français en cas d'«enlisement» parlementaire.
Il a également répondu «pourquoi pas» à l'idée d'un référendum sur les finances publiques prônée par François Bayrou, dont il attend cependant encore «le plan». Mais pas sur le budget lui-même, prérogative des députés et sénateurs, plutôt sur d'éventuelles «réformes» du Premier ministre «sur le plan économique et social».
Il a en revanche rejeté l'hypothèse d'un référendum sur l'immigration, malgré les demandes répétées de la droite et de l'extrême droite. Ainsi que sur les retraites, comme l'a réclamé la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet sur le plateau de l'émission. Il lui a rappelé avoir été réélu en prônant une réforme des retraites. «En face de vous, vous aviez l'extrême droite, même moi j'ai voté pour vous», a ironisé la syndicaliste.
Présidentielle de 2032
Emmanuel Macron a assuré mardi qu'il n'avait pas «réfléchi» à la suite de sa carrière une fois son deuxième mandat achevé à l'Elysée, alors que la Constitution l'empêche de concourir à nouveau à la présidence de la République en 2027.
Rien ne s'oppose en revanche théoriquement à une nouvelle candidature lors de l'élection suivante, en 2032. Interrogé sur TF1 à propos d'éventuelles ambitions, le chef de l'Etat a éludé: «Quand j'aurai fini (l'actuel mandat), je réfléchirai à la suite. A ce moment là, je pourrai vous répondre. Mais aujourd'hui, je n'ai pas réfléchi.»
Elu en 2017 à l'âge de 39 ans, Emmanuel Macron aura 49 ans lorsqu'il quittera l'Elysée.