Les policiers français n’utilisent pas le conditionnel. Depuis l’annonce, aux premières heures de ce dimanche 26 octobre, de l’interpellation de deux individus impliqués dans le cambriolage du Louvre, le ton des enquêteurs est de plus en plus affirmatif. Les deux hommes auraient bien participé au braquage des bijoux de la couronne impériale française, achetés sous l’Empereur Napoléon III.
Mais aucune trace de ces bijoux, d’une valeur de 88 millions d’euros selon les estimations officielles (entre 8 et 30 millions pour leur valeur marchande), n’a pour l’heure été rendue publique. Les deux individus, âgés d'une trentaine d'années, peuvent rester en garde à vue pendant 96 heures au maximum.
L’ADN a «matché»
C’est le plus probable. Les deux individus interpellés, originaires de Seine-Saint-Denis, un département de la banlieue nord et est de Paris, auraient été identifiés par leurs traces d’ADN. C'est en tout cas confirmé pour l'un d'entre eux. Plus de 150 prélèvements ont été effectués par la police scientifique après le cambriolage. Un casque, des traces de salive, des empreintes digitales, une disqueuse, un gant, un gilet jaune de stationnement, un jerrican ont été retrouvés, soit à l’intérieur de la galerie Apollon cambriolée, soit à l’extérieur, du pied du monte-charge que les criminels ont tenté, en vain, d’incendier après leur forfait qui a duré sept minutes. Ce monte-charge avait été loué quatre jours plus tôt dans le Val d'Oise.
La vidéosurveillance a parlé
La directrice du Musée du Louvre, Laurence des Cars, est depuis le cambriolage l’objet de nombreuses critiques. Elle a, devant une commission du Sénat, admis que la vidéosurveillance «périmétrique», c’est-à-dire les caméras disposées à l’extérieur du Palais du Louvre, était défaillante.
La seule caméra placée dans les parages utilisés par les cambrioleurs, sur les quais de Seine, visait dans la mauvaise direction. Sauf que dans les faits, d’autres caméras ont bien fonctionné. La police a ainsi pu suivre l’échappée des quatre malfrats en scooters, en direction de l’autoroute A6 (vers le sud). On n’en sait pas plus, mais cette cartographie vidéo semble avoir été fatale aux deux individus interpellés. Les deux scooters ont été retrouvés incendiés.
Le grand banditisme écumé
La procureure de Paris a regretté dans un communiqué que la nouvelle des arrestations ait été diffusé par la presse. L’un des deux suspects a été interpellé à l'aéroport Charles de Gaulle, alors qu’il s’apprêtait à embarquer sur un vol à destination de l’Algérie. Cela signifie sans doute qu’il s’agit d’un Franco-Algérien, ou d’un Algérien résidant en France, car ce pays n’accepte pas de recevoir les visiteurs sans visas. Le plus probable est que la police a écumé, depuis dimanche 19 octobre, le milieu de la pègre parisienne.
L’autre individu, selon les informations distillées par les médias, cherchait à se rendre au Mali. Le grand banditisme a parlé. Les écoutes téléphoniques ont sans doute aussi porté leurs fruits. Question: la surveillance de ces deux individus devait-elle se prolonger pour aboutir à l'arrestation du commando entier? Les enquêteurs sont-ils passés à l'acte plus tôt que prévu?
Les bijoux traqués
La question la plus pressante est celle de la localisation des bijoux. Compte tenu des premières informations disponibles sur les individus interpellés, il est peu probable que le commando ait agi pour un riche commanditaire, qui cherchait à obtenir intacts les joyaux dérobés. La preuve? Quinze pièces de grande valeur ont échappé aux voleurs. Lesquels ont aussi laissé sur place la couronne de l’impératrice Eugénie, après l'intervention d'un gardien.
Le risque le plus grand est donc celui d’un dépeçage des pièces, en vue de vendre séparément l’or et les pierres précieuses. Les filières connues de diamantaires sont sous surveillance avec l’aide des polices européennes. Interpol, comme Europol, ont lancé une vaste opération de ratissage.
Le Louvre s’est ressaisi
Dans un premier temps, selon les experts, la direction du Louvre, bien qu’assommée par ce cambriolage au retentissement international, a tenté de limiter les dégâts. Motif: pour les conservateurs du plus grand musée du monde, les joyaux de la couronne ne faisaient pas partie des pièces maîtresses de ce musée qui accorde bien plus d’importance à ses antiquités grecques ou à sa collection de tableaux.
Depuis une semaine, changement radical: les bijoux de la galerie d'Apollon sont devenus la priorité et l'on en sait plus sur les dispositifs d'alerte. Une première alerte a ainsi été donnée lorsque les cambrioleurs ont découpé la vitre de la fenêtre donnant sur la Seine. Une seconde alerte, l'alarme Ramses, a retenti lorsqu'ils se sont attaqués aux vitrines, déclenchant l'intervention immédiate des forces de l'ordre. Tout a, depuis, été passé en revue, y compris le personnel de sécurité présent dans ces parages ces derniers mois. Le Louvre est désormais en mode combat pour sauver ses trésors.