Les mauvais présages se multiplient pour l'Ukraine. Entre un front qui s'enlise dans une guerre immobile, des livraisons d'armes que l'on n'attend plus et un hiver rude à l'horizon, difficile de trouver des raisons de croire à une victoire. Et pourtant, le Russe Misha Pavlov l'affirme avec conviction: «L'Ukraine gagnera la guerre, à 200%.»
Ce soldat de 24 ans aux longs cils et à la corde de potence tatouée autour du cou a tout connu dans ce conflit. Il est l'un des très rares à avoir combattu dans les deux camps sur le front: d'abord dans l'armée de Poutine, puis pour l'Ukraine. Entre deux, il a vécu une fuite à travers les lignes ennemies digne d'un film hollywoodien. Blick a pu le rencontrer.
Misha Pavlov a passé plus d'un an en prison dans sa ville natale d'Ivanovo en Russie. Motif: il a ouvertement critiqué la guerre menée par Poutine. Détention à l'isolement, conditions brutales, humiliations permanentes, cet ancien agent d'assurance a voulu quitter ce trou à tout prix.
Déserter et passer chez l'ennemi
Lorsque les recruteurs de la troupe de détenus Storm-Z – des cousins du groupe Wagner en quelque sorte – se sont rendus dans sa prison au printemps, ils ont promis une exemption de peine en échange de six mois de service militaire en Ukraine. Il s'est donc porté volontaire. Son plan une fois sorti de prison: déserter le plus vite possible et rejoindre le corps des volontaires russes en Ukraine, une association de ses concitoyens qui se battent pour Kiev.
Après un bref entraînement, Misha Pavlov a été envoyé sur le front au nord de Marioupol. «Nous avons attendu dix jours, presque sans munitions et sans nourriture», raconte-t-il. Bien souvent, il en profitait alors pour faire les cent pas sur le front. Il mémorisait très précisément l'emplacement des dépôts militaires et des postes de commandement. «Si quelqu'un me demandait ce que je faisais ici, je répondais que je cherchais de la nourriture.» Personne n'aurait eu de soupçon, tant ils étaient tous affamés. Un jeu d'enfant.
Dans la nuit du 27 juin dernier, il se porte finalement volontaire pour «reconnaître» une section particulièrement dangereuse sur le front. Misha Pavlov court alors en direction des positions ukrainiennes. Pendant sept heures, il essuie les tirs de l'ennemi, qui seront fatals au camarade qui l'accompagne. Misha Pavlov est quant à lui capturé vivant par les Ukrainiens. Une photo le montre le lendemain matin à l'arrière d'un camion, les yeux bandés et les mains liées. Le Russe, que tout le monde en Ukraine ne connaît que par son nom de guerre «Pers», avait réussi son pari.
Les services secrets ukrainiens vérifient alors son histoire. Les informations que donne le déserteur sur les positions russes autour du village de Pryjutne se révèlent correctes. «Pers» est donc engagé dans le corps des volontaires. Dès lors, il se bat aux côtés de ses anciens ennemis. «Être ukrainien est un état d'esprit. Ton passeport n'a pas d'importance, assure-t-il fièrement. Je mourrai pour ce pays ici, s'il le faut.»
Sa famille est devenue un ennemi
De temps en temps, son frère et son père le contactent par téléphone. Ils n'hésitent pas à l'insulter, lui qui est considéré comme un traître: «Je n'ai pas le temps de discuter avec vous. Mais ne soyez pas des lâches, venez au front, nous réglerons ça là-bas», leur répond-il. Même sa famille est devenue un ennemi désormais. «Je serais prêt à tuer ma mère pour stopper la Russie», affirme-t-il froidement.
Nous nous promenons à Irpin, dans la banlieue de Kiev, que les Russes ont envahie en mars 2022. Le jeune homme, qui se présente presque cyniquement sur Instagram comme un «pacificateur radical», a combattu pendant des mois sur les sections les plus dures du front. Il marche avec des béquilles. Le 30 octobre, il a été touché par un obus près d'Avdijivka. Avec un pied cassé, il doit s'arrêter quatre mois. Mais il veut reprendre les armes. «Regarde seulement la destruction que mes compatriotes infligent à l'Ukraine», nous dit «Pers» en indiquant une maison bombardée.
Pour Poutine, il n'a qu'un message: «Bonsoir d'Ukraine. Viens ici un jour et demande aux gens à quel point ils veulent être libérés par toi. Tu serais étonné de ce qu'ils ont à te dire!» Mais le message qu'il souhaite adresser aux soldats russes est plus important. «Rassemblez des informations, notez vos positions, inscrivez-vous à la hotline que l'Ukraine a spécialement mise en place pour les déserteurs. C'est votre ticket pour la liberté!»