Signe de la tension qui monte: une séance au Congrès sur la situation dans le pays a été suspendue après des incidents. Des images publiées sur les réseaux sociaux montrent un homme donner un coup de poing par derrière à un autre dans une allée de l'hémicycle puis une bousculade au centre de celle-ci, sans qu'il soit possible de savoir la cause. La séance était toujours suspendue dimanche en début de soirée.
Les protestations se sont multipliées à travers le pays, notamment dans les villes du nord et des Andes. Des milliers de personnes se sont mobilisées dans les rues de Cajamarca, Arequipa, Tacna, Andahuaylas, Cusco et Puno, réclamant la libération de l'ancien chef de l'État et de nouvelles élections et appelant à une grève nationale.
«Nous regrettons la mort de deux personnes et plusieurs blessés dans des affrontements. J'exhorte la population à rester calme», a déclaré le ministre de l'Intérieur César Cervantes à la radio RPP, peu après un premier bilan de la police faisant état d'une morte - une adolescente - et cinq blessés. «La vie d'aucun Péruvien ne mérite d'être sacrifiée pour des intérêts politiques. Je réitère mon appel au dialogue et à la renonciation à la violence», a lancé la présidente sur Twitter.
«Rats corrompus»
La veille, des affrontements à Andahuaylas (sud) s'étaient soldés par un bilan de 20 blessés (seize civils et quatre policiers). Les violences ont repris dimanche avec des tirs de gaz lacrymogène de la police et des jets de pierres de manifestants.
Des renforts de police anti-émeute devaient arriver par avion pour contenir les manifestations, a-t-on appris auprès de la police. Andahuaylas, située dans la région d'Apurimac, est la région d'origine de Dina Boluarte, qualifiée de «traitresse» par les partisans de l'ex-président destitué. Le poste de police de Huancabamba, une ville d'Apurimac, a été incendié, selon la radio RPP.
À Lima, entre 1000 et 2000 personnes ont manifesté devant le Congrès aux cris de «Castillo tu n'es pas seul, le peuple te soutient» et brandissant des pancartes accusant «Dina (Boluarte) et le Congrès» d'être des «rats corrompus». Ils ont été dispersés avec des gaz lacrymogènes dimanche en début de soirée.
Lima a toujours tourné le dos à Pedro Castillo, enseignant rural et leader syndical déconnecté des élites, tandis qu'il était soutenu par les régions andines depuis les élections de 2021. Des syndicats agraires et organisations sociales paysannes et indigènes ont appelé dimanche à une «grève indéfinie» à partir de mardi, rejetant le Congrès et demandant des élections anticipées et une nouvelle constitution.
Selon le communiqué du Front agraire et rural du Pérou, qui demande la «libération immédiate» de Pedro Castillo, celui-ci «n'a pas perpétré de coup d'État» lorsqu'il tenté le 7 décembre de dissoudre le Parlement et d'instaurer un État d'urgence. Il a été arrêté quelques heures plus tard par son propre garde du corps alors qu'il se rendait à l'ambassade du Mexique pour demander l'asile politique. Il est accusé de «rébellion».
Lettre de prison
Dina Boluarte, vice-présidente jusqu'à son investiture le 7 décembre après la destitution de Pedro Castillo, a formé samedi un gouvernement au profil indépendant et technique, avec un ancien procureur, Pedro Angulo, comme Premier ministre.
«Jusqu'à présent, la présidente n'a pas été claire sur la grande question: est-ce un gouvernement de transition ou un gouvernement qui a l'intention de rester jusqu'en 2026?», a déclaré à l'AFP l'analyste politique Giovanna Peñaflor.
La demande de nouvelles élections est associée à un rejet massif du Congrès: selon les sondages de novembre, 86% des Péruviens désapprouvent le Parlement. Vendredi, Dina Boluarte n'avait pas exclu de convoquer des élections anticipées afin de trouver une sortie pacifique à la crise politique.
Parallèlement, la théorie, avancée par l'ancien chef de cabinet et l'avocat de Pedro Castillo selon laquelle l'ancien président a été drogué à son insu lors de sa tentative de coup d'État ratée, passionne le pays.
Dans une lettre que Pedro Castillo aurait écrite en prison, celui-ci assure qu'un médecin et des infirmières «camouflés» et un procureur «sans visage» (cagoulé) l'ont «forcé» à faire des prélèvements sanguins sans son consentement, évoquant un «plan machiavélique». Le président de l'Institut de médecine légale, Francisco Brizuela, a lui indiqué que l'ex-président avait «refusé de se soumettre» aux tests.
(ATS)