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Déficitaires et opaques
Assainir les finances du Vatican, le sempiternel défi pour les papes

Les finances du Vatican restent un défi majeur pour l'Église. Malgré les réformes entreprises par François, le Saint-Siège continue de lutter contre les déficits chroniques et la transparence financière, laissant à Léon XIV la tâche de poursuivre ces efforts.
Publié: 10.05.2025 à 11:28 heures
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AFP Agence France-Presse

D'autres papes s'y étaient frottés avant lui, François en avait fait son sacerdoce: les comptes du Vatican, déficitaires et souvent opaques, ne sont pas en ordre, et Léon XIV aura notamment pour tâche de les remettre sur le droit chemin. Malgré des recettes confortables liées à ses hôpitaux, à ses musées, aux dons des fidèles et des diocèses ou aux loyers de son vaste patrimoine immobilier, les finances du Vatican sont chroniquement déficitaires, et son fonds de pension fait face à un important déséquilibre structurel.

Si le Vatican fait état de ses comptes avec irrégularité, il évoquait pour 2023 une perte consolidée de presque 70 millions d'euros, pour 1,2 milliard d'euros de recettes. Et son histoire est émaillée de scandales financiers. Sa banque, l'Institut pour les oeuvres de la religion (IOR), en est l'exemple parfait. L'IOR a longtemps été le principal actionnaire de l'importante banque italienne Ambrosiano, accusée de blanchir l'argent de la drogue et de la mafia.

Secrétariat pour l'Economie créé en 2014

En 1982, après qu'un trou dans les comptes d'1,2 milliard de dollars est découvert, Ambrosiano fait faillite, laissant à la banque du Vatican une ardoise de plus de 240 millions de dollars à verser aux créanciers. La même année, le directeur d'Ambrosiano, Roberto Calvi, est retrouvé pendu sous un pont à Londres, des magistrats italiens évoquant plus tard un possible meurtre en lien avec la mafia. Elu pape en 2013, François arrive dans une situation toujours délicate: le Vatican venait d'être placé par les Etats-Unis sur la liste des pays dont la situation est préoccupante dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la Banque d'Italie avait désactivé les terminaux de paiement dans le micro-Etat.

Il crée en 2014 un Secrétariat pour l'Economie et nomme à sa tête le cardinal australien George Pell, un homme réputé très direct, qui sera plus tard acquitté dans son pays pour une affaire de pédophilie. A la tête du conseil d'administration de la banque du Vatican, il place un laïc issu du monde de la banque, Jean-Baptiste de Franssu. «Quand je suis arrivé, il n'y avait pas de gouvernance forte, les règles n'étaient pas respectées et nous n'avions pas les bonnes compétences», a-t-il raconté vendredi à un journaliste de l'AFP.

Investissements calamiteux

Les investissements de la Banque du Vatican sont passés au crible - exit ceux dans des entreprises liées à l'armement, l'euthanasie et l'avortement -, et plusieurs mesures de transparence sont entreprises, non sans difficulté. «Au Vatican, comme dans toute institution, il y a eu de la résistance, mais nous avons été plus résistants que ceux qui résistaient !», affirme Jean-Baptiste de Franssu. Par exemple, «nous avons réalisé qu'il y avait plus ou moins 5.000 comptes qui» n'avaient aucun lien avec le Vatican, «nous les avons donc fermés», explique-t-il.

La réputation du Vatican s'améliore: il intègre l'espace de paiement européen Sepa et obtient plus tard les félicitations du Conseil de l'Europe pour sa lutte contre le blanchiment. Mais «faire des réformes à Rome, c'est comme nettoyer le sphinx d'Egypte avec une brosse à dents», constatait François en 2017. Les scandales n'ont pas cessé. Un de ses proches conseillers, l'influent cardinal Angelo Becciu, qui s'était montré réticent à la nomination de George Pell, est impliqué dans une affaire de détournement de fonds issus de la collecte annuelle de dons. En cause: des investissements calamiteux pour l'Eglise, notamment l'achat pour 350 millions d'euros d'un immeuble de luxe à Londres, qui ont fait perdre entre 130 et 180 millions d'euros au Vatican, selon son procureur. Il est condamné en 2023 par le tribunal du Vatican à cinq ans et demi de prison.

L'histoire se répète pour Léon XIV

Outre les questions de transparence, Léon XIV devra lutter contre l'érosion continue des dons, - 17% des recettes du Saint-Siège-, combinées à des frais de personnel en augmentation constante (+6% en 2023).Il devra également s'occuper du système de retraites, dont François avait dit en novembre qu'il n'était pas «en mesure de garantir à moyen terme» le paiement des pensions des «générations futures». Mais Jean-Baptiste de Franssu n'est pas inquiet: «François a entamé le processus, je suis sûr que Léon XIV le poursuivra».

Pour le nouveau pape, l'histoire se répète: avant François, Benoît XVI avait déjà mis en place de premiers dispostifs anti-blanchiment et d'enquête interne, qui se rendront utiles avec l'affaire Becciu. Les inquiétudes financières remontent même à la création du micro-Etat, en 1929 : avec la perte des Etats pontificaux, achevée en 1870 avec la prise de Rome, les comptes du Vatican se sont effondrés. Il a fallu en 1929 que l'Italie, alors dirigée par le dictateur fasciste Benito Mussolini, inclue dans les accords qui donneront officiellement naissance à l'Etat de la Cité du Vatican une compensation de 4 milliards de lires, soit autour de 4,2 milliards d'euros d'aujourd'hui avec l'inflation.

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