Frankenstein est parmi nous. Voilà une phrase qu'on ne s'attend pas à découvrir dans un article consacré au Covid-19, même à quelques semaines d'Halloween. Seulement, il s'agit du surnom inattendu dont a hérité le nouveau variant XFG, s'attirant l'attention des médias internationaux, qui le tapotent probablement sur leurs claviers avec des doigts un peu tremblants.
Or, les scientifiques ne s'alarment pas: Frankenstein semble plus contagieux, mais moins virulent qu'Omicron lui-même. Et d'après l'Institut Pasteur, son appellation s'explique uniquement par le fait qu'il constitue une «hybridation de deux sous-variants du virus Omicron», tout comme le célèbre monstre de Mary Shelley était composé de diverses parties de corps recousues ensemble. Mais la ressemblance s'arrête là, puisque ce variant n'a rien de plus monstrueux que ses prédécesseurs.
«Le surnom 'Frankenstein' vise sans doute à créer de la peur ou à attirer l’attention, alors qu’il n’y a aucune raison particulière de le redouter», confirme Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève. D'après le spécialiste, sa propension à provoquer des cas graves n’est absolument pas plus importante.
La preuve: on n’observe aucune hausse particulière des hospitalisations ou des décès, bien que la population vulnérable doive évidemment rester prudente: «Les personnes fortement immunodéprimées ou très âgées peuvent développer des formes graves de la maladie, tandis que d’autres personnes peuvent souffrir de formes persistantes ou d'un Covid long, tempère notre expert. Il ne faut pas minimiser cela, bien que la majorité de la population, désormais vaccinée ou immunisée suite aux vagues successives de Covid, n’a pas de raison particulière de craindre ce nouveau variant.»
Notre immunité cellulaire est robuste
Alors pourquoi parle-t-on autant de ce fameux Frankenstein? Simplement parce que ce variant, plus transmissible, s'est établi dans le paysage épidémiologique, parmi plus de 2000 concurrents. Début septembre, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies affirmait qu'il concernait plus de 80% des infections.
«S’il a réussi à s’imposer, c’est parce que le variant XFG parvient à échapper à l’immunité acquise par la population, pour se multiplier et créer des infections de manière efficace, précise Antoine Flahault. À chaque fois qu’un virus se multiplie au sein d’une population, il augmente ses chances de créer des mutations, qu’on peut assimiler à des photocopies présentant une légère imperfection.»
Cependant, ainsi que le précise notre intervenant, cette imperfection peut parfois jouer en faveur de l’évolution du virus, en lui permettant de se répliquer et de trouver des nouveaux humains ou animaux vierges de toute immunité: «Chez l’être humain, l’immunité possède deux crans: l’immunité humorale, qui permet à l’infection de se propager. Et l’immunité cellulaire, qui nous protège des formes graves et des complications, poursuit-il. Pour le moment, aucun nouveau variant n’a été capable de traverser la seconde, acquise lorsqu’on a été vacciné ou infecté plusieurs fois. Or, le risque qu’un des futurs variants y parvienne un jour existe bel et bien.»
Des variants plus dangereux ne sont pas exclus
On a beau avoir tendance à les personnifier pour leur prêter des objectifs malveillants (à l'instar du monstre de Frankenstein), les virus n'ont pas d'autre but que de se reproduire aussi efficacement que possible: «L’évolution du virus ne vise pas à augmenter sa virulence, mais à l’aider à se multiplier, rappelle Antoine Flahault. Ainsi, l’évolution virale ne trouve aucun intérêt à nous tuer, puisque nous sommes des 'hôtes' nécessaires à sa multiplication.»
Mais un variant plus dangereux pourrait quand même survenir si, par coïncidence, l'une des mutations le permet: «Une évolution du virus sélectionnant une souche plus transmissible et plus virulente pourrait, malgré tout, arriver par le hasard: le virus n’a pas disparu de la planète et ses mutations sont suffisamment nombreuses et fréquentes pour qu’un jour, une combinaison parvienne, par pure coïncidence, à déjouer notre immunité cellulaire. Ce risque est impossible à prédire, tout dépend de la configuration du génome et des protéines obtenus après ces mutations.»
Risquons-nous une nouvelle pandémie?
Ainsi, bien que tous les nouveaux variants identifiés jusqu'ici aient été moins alarmants que l'original, il ne faudrait pas tomber dans une dynamique de «Pierre et le Loup». Jusqu'ici, on a eu de la chance.
Mais l'inverse n'est pas exclu: «Pour qu’une nouvelle pandémie ait lieu, un nouveau variant devrait avoir la particularité d’être à la fois plus virulent et plus transmissible, souligne notre expert. Il pourrait alors devenir un nouveau virus pandémique, un 'Sars-CoV-3'. Pour le moment, rien de tel n’a été observé, mais la surveillance est continue, notamment au travers de l’analyse des eaux usées. Si cela devait se produire, cette méthode nous permettrait de repérer précocement l’émergence de nouveaux variants problématiques.»
Que peut-on faire pour éviter cela?
En prévention, Antoine Flahault évoque un réflexe qui peut paraître simple: l'aération des espaces clos, et particulièrement des établissements scolaires ou encore des bureaux, soit tous les lieux fermés dans lesquels nous passons plusieurs heures de suite.
«L’histoire des épidémies démontre que nous avons été capables de nous débarrasser de beaucoup de virus, avant l’arrivée des vaccins, analyse-t-il. Je pense au choléra ou au paludisme, qui étaient très fréquents en Europe, il y a quelques siècles. On s’est débarrassé du choléra en séparant l’eau de boisson de l’eau usée, au XXe siècle.»
Dans le cas des virus respiratoires comme ceux du Covid ou de la grippe, des gestes du quotidien peuvent également faire une grande différence: «En obtenant un air intérieur d’une qualité microbiologique semblable à celui que nous respirons à l’extérieur, notamment en aérant mieux les lieux clos et souvent mal ventilés, on pourrait se débarrasser d’un bon nombre de ces maladies fréquentes et fortement impactantes sur notre santé et nos sociétés», conclut Antoine Flahault.