La Corée du Nord fascine, inquiète, intrigue. Depuis la fermeture des frontières aux touristes, le mystère autour de la vie quotidienne à Pyongyang s’est encore épaissi. Pourtant, une poignée d’étrangers a le droit d’y circuler relativement librement: les diplomates, relève «The Telegraph» dimanche 13 juillet. Mais à quoi ressemble leur quotidien dans l’un des régimes les plus fermés du monde?
Entre valises de cash, fromage de contrebande et amitiés censurées, la vie diplomatique à Pyongyang ressemble parfois à une série au ralenti. Sauf qu’ici, tout est vrai et qu’aucun épisode n’est garanti sans rebondissement.
Aller-retours avec des valises pleines de cash
Oubliez les cartes bancaires ou les bancomats en Corée du Nord. Ils sont aussi rares qu'un McDo à Pyongyang, c'est-à-dire inexistants. En effet, dans le pays de Kim Jong Un, il est impossible de retirer ou d'envoyer de l'argent. La solution? Des aller-retours réguliers en avion en Chine, avec des valises remplies d'argent liquide.
«Chaque mois, moi ou un membre de mon équipe prenions l'avion pour Pékin, récupérions 30 ou 40'000 euros en liquide et les ramenions», confie Mike Gifford, ancien ambassadeur britannique en Corée du Nord de 2012 à 2015 au «Telegraph». Si la scène peut sembler surréaliste, l'ambassadeur explique que c'était le seul moyen à disposition pour payer ensuite dans le pays.
L'alimentation, une mission diplomatique
Faire les courses, en Corée du Nord, c’est un sport de haut niveau. Dans les rares supermarchés accessibles aux étrangers, la sélection est aussi éclectique que frustrante. «Parfois, ils avaient des frigos entiers remplis d’eau Perrier. C’était super… sauf que je ne voulais pas toujours de l’eau Perrier», soupire l’ex-ambassadeur.
Résultat: les diplomates traversaient régulièrement la frontière pour faire le plein en Chine, en avion à Pékin ou en train dans la ville frontalière de Dandong. «Nous revenions avec des cartons remplis de choses qui, au Royaume-Uni, sont des produits de base, comme du fromage, du beurre et du bacon», résume-t-il. Et le passage du pont vers la Chine devenait un petit moment de libération: «cela peut paraître ridicule, mais nous avions enfin le sentiment d'être dans un pays de liberté», déclare Thomas Schaefer, qui a exercé deux mandats non consécutifs comme ambassadeur d'Allemagne en Corée du Nord.
Amitiés sous surveillance
Nouer des liens avec des Nord-Coréens est une mission périlleuse. Lindsey Miller, épouse d’un diplomate britannique, se souvient que les étrangers étaient systématiquement placés à l’écart des locaux dans les bars.
Elle a quand même réussi à se lier d’amitié avec une jeune femme tenancière d’un bar proche de l’ambassade. Mais une question la hante encore: «Comment savoir ce qu’ils pensent, quand on ne peut même pas leur poser la question?» L’amitié, version Pyongyang: cordiale, mais sous contrôle.
Vous avez dit Internet?
Envoyer un e-mail, c’est possible. Envoyer des messages Facebook, aussi. Regarder une vidéo YouTube? Comptez deux à trois heures d'attente frustrantes. Le quartier diplomatique de Munsu-dong, à l’est de la capitale, est l’un des rares à offrir une connexion internet... aussi lente qu'une tortue.
Pour tuer le temps, Lindsey Miller explorait la ville, prenait des cours de taekwondo ou allait au spa. Elle adorait aussi pousser les portes de devantures anonymes: «On entre dans un bâtiment où se trouve une boutique qui vend des tondeuses à gazon et du fromage. Juste en face, il y a un petit café bien dissimulé, qu’on ne soupçonnerait même pas. Puis, en passant par l’arrière, on tombe sur une salle de sport incroyablement bien équipée.»
Une médecine qui laisse à désirer
Un médecin travaillant au bureau des Nations Unies de Pyongyang peut gérer les petits bobos. Pour le reste? Direction la Chine. Alastair Morgan, ambassadeur britannique en Corée du Nord de 2015 à 2018, se souvient d’une épouse de diplomate tombée malade et emmenée à l’hôpital local. Le traitement administré n'a fait qu'empirer son état.
Finalement, elle a été évacuée en urgence jusqu’à la frontière chinoise. Le premier hôpital l’a refusée. Le second a accepté… et diagnostiqué une simple appendicite aiguë. Vous l'aurez compris, il ne fait pas bon être malade en Corée du Nord.