A la veille du lancement d'une série de 30 concerts dans son Porto Rico natal, la star mondiale du rap latino Bad Bunny a lancé un message clair aux fans venus de l'étranger: achetez local!
Chanteur le plus écouté sur Spotify de 2020 à 2022 avec des tubes comme «Callaita» ou «Mia», Bad Bunny a entamé vendredi une résidence à San Juan, la capitale portoricaine, baptisée «No Me Quiero Ir De Aqui» («Je ne veux pas partir d'ici»), une ode politique à son île natale et territoire rattaché aux Etats-Unis.
Les locaux d'abord!
Les neuf premiers concerts au Coliseo de San Juan, une salle de près de 20'000 places, sont réservés aux habitants de l'île, avant que les vannes s'ouvrent aux touristes que l'artiste et les Portoricains souhaitent responsables. Pour Davelyn Tardi, de l'agence Discover Puerto Rico, «il s'agit d'un moment incroyable pour l'île» car ces concerts permettront de faire connaître la culture locale et d'injecter au moins 200 millions de dollars dans l'économie cet été, période considérée comme la basse saison.
«Tout a commencé à changer», souligne Azael Ayala, qui travaille dans un bar d'un quartier branché de San Juan où certains bars proposent des cocktails à l'effigie de Bad Bunny. «Les pourboires sont plus que généreux, nous sommes ravis», ajoute la femme de 29 ans pour qui voir le monde débarquer à Porto Rico «est une source de fierté».
Etudiante de 23 ans venue de Los Angeles, en Californie, Arely Ortiz n'a pas réussi à obtenir de billet pour un des spectacles de Bad Bunny, mais visite l'île pour la première fois pour suivre les traces de l'artiste. «J'aime beaucoup la manière engagée dont il parle de son peuple», dit-elle. «Le simple fait de voir qu'il peut aller aussi loin dans la vie comme Latino encourage les Latinos à se donner à fond (...) Il a véritablement donné du pouvoir aux Latinos, à 100 %», dit-elle.
Craintes de gentrification
Le tourisme a longtemps été un moteur économique de cette île réputée pour ses plages de sable fin et ses eaux turquoise, au point de devenir ces dernières années un lieu prisé du développement immobilier de luxe et des «nomades numériques», qui travaillent à distance en voyageant. Avec, à la clé, des craintes de gentrification et de hausse des prix du logement pour la population locale.
Bad Bunny, de son vrai nom Benito Antonio Martinez Ocasio, a lui-même évoqué ces problèmes et bien d'autres dans les paroles de ses chansons. «Dans ma vie, tu étais un touriste. Tu n'as vu que le meilleur de moi, pas ma souffrance», chante-t-il par exemple dans «Turista».
Pour l'historien Jorell Melendez Badillo, «beaucoup de gens (à Porto Rico) estiment que le tourisme a une connotation coloniale» dans l'île car pendant des années de riches Américains y venaient sans se soucier des populations locales, par ailleurs plus pauvres. «Nous pouvons saluer le travail de Benito (Bad Bunny) tout en nous interrogeant sur le type de touristes que ses concerts en résidence vont amener», dit-il à l'AFP.
Appel au tourisme responsable
Ana Rodado est venue d'Espagne après qu'un ami originaire de l'île lui a offert un billet pour un spectacle et a réservé un voyage de cinq jours qui inclut une visite de la plage de Vega Baja, où Bad Bunny a grandi et travaillé dans une épicerie, avant de connaître la gloire. L'Espagnole prend au sérieux l'appel du chanteur à acheter local et à respecter les lieux et la population.
«Dans la mesure du possible, nous devons être responsables de nos choix de consommation, et surtout de l'impact de notre voyage sur chaque lieu», dit-elle à l'AFP. «Nous essayons d'être respectueux, et jusqu'à présent, les gens ont été très gentils avec nous».
La résidence de Bad Bunny est une lettre d'amour à son peuple: un spectacle sur et pour les Portoricains, dont le récit est centré sur le patrimoine, la fierté et la joie. «On est là, tous ensemble, bon sang!» a-t-il crié, sous les hourras extatiques lors de son premier spectacle qui a parfois ressemblé à une fête de quartier géante. «Je reviendrai pour les 100 prochaines années, si Dieu me le permet, je serai là.»