Qui a peur de José Adolfo Macías Villamar, dit «Fito»? Tout l'Équateur – et à juste titre: depuis que le baron de la drogue a disparu de sa cellule de prison sans laisser de traces, le pays est plongé dans le chaos.
Depuis le début de la semaine, les hommes de Fito sèment la terreur dans la population équatorienne avec une série d'attaques terroristes. Ils ont fait exploser des voitures piégées, semé la panique dans les universités et les écoles, et pris d'assaut un studio de télévision à Guayaquil qui en pleine diffusion. Jusqu'à présent, dix personnes ont perdu la vie dans ces actes de violence.
Le président Daniel Noboa, qui n'est en fonction que depuis novembre, a même décrété mardi un état d'urgence de 60 jours. Il a ainsi donné un signal: le pays se trouve dans un état de guerre civile.
L'Équateur est au cœur des guerres internationales contre la drogue
Le pouvoir des cartels de la drogue équatoriens est pratiquement illimité. Le chef de gang Fito est déjà considéré par beaucoup comme le président secret du pays. Rien d'étonnant à cela: il est le chef des «choneros», qui compteraient plus de 10'000 membres en Équateur. À titre de comparaison, l'Équateur a une population de 17,8 millions d'habitants (relevé en 2021). Mais le pouvoir du cartel s'étend bien au-delà des frontières du pays. Les «choneros» sont considérés comme des alliés du cartel mexicain de Sinaloa.
Pourtant, les liens avec la mafia mexicaine de la drogue sont à double tranchant pour Fito: son gang est impliqué dans une guerre par procuration des cartels de la drogue mexicains. Pour ajouter encore une couche au chaos, un chef du gang rival «Los Lobos», allié au cartel mexicain «Jalisco Nueva Generación» (CJNG) – l'ennemi juré du cartel de Sinaloa – a également réussi à s'échapper, peu après la fuite de Fito. Les deux organisations criminelles, responsables de la mort de dizaines de milliers de personnes au Mexique, mènent de plus en plus leurs conflits dans d'autres pays d'Amérique latine.
Est-il encore possible d'arrêter la violence?
Il y a donc le feu à tous les coins de rue en Équateur. Mais comment en est-on arrivé là? Après tout, l'Équateur a longtemps été considéré comme l'un des pays les plus sûrs d'Amérique latine. La réponse est donnée par la situation géographique du pays: L'Équateur est situé entre la Colombie et le Pérou, les deux plus grands producteurs de cocaïne au monde.
Le pays dispose d'une bonne infrastructure et, avec Guayaquil, d'un grand port pratiquement impossible à contrôler. Par ailleurs, le paradis naturel des Îles Galápagos, qui appartiennent à l'Équateur, est utilisé comme lieu de transbordement de la drogue pour le transport vers l'Amérique du Nord. En bref, le pays est devenu le terrain de jeu des cartels internationaux de la drogue.
La situation semble sans issue, mais le président Noboa ne veut pas abandonner la lutte contre la mafia de la drogue. Il a d'ailleurs commencé sa présidence sous le signe de la lutte contre le crime organisé. La semaine dernière, il a également fait des propositions concrètes en ce sens: il a annoncé la construction d'une prison de haute sécurité en Amazonie et l'installation d'autres gangsters sur des bateaux-prisons en haute mer.
Il prévoit en plus de cela – à l'instar du Mexique et de la Colombie – un référendum qui lui permettrait d'extrader des gangsters vers les Etats-Unis. Cette mesure est considérée comme l'une des plus efficaces, mais aussi des plus controversées, dans la lutte contre les cartels – rien ne fait plus peur aux gangsters d'Amérique latine que les Etats-Unis. Là-bas, ils n'ont aucun pouvoir.
Pourquoi le gouvernement américain s'en mêle-t-il ?
Et le gouvernement américain, dirigé par le démocrate Joe Biden, a, lui aussi, tout intérêt à endiguer au plus vite la violence liée aux puissants cartels de la drogue en Amérique latine: la violence – associée à la misère économique – a poussé des dizaines de milliers d'Équatoriens à fuir. Les réfugiés se mettent la plupart du temps en route vers les Etats-Unis via le Mexique.
Pour Joe Biden, ce serait un cauchemar politique si les flux de réfugiés en provenance d'Amérique latine venaient à s'amplifier. On lui reproche de ne pas maîtriser la crise des réfugiés – c'est d'ailleurs l'un de ses points faibles dans la campagne électorale actuelle.
C'est pourquoi une rencontre a eu lieu en septembre à Washington entre l'ancien président équatorien Guillermo Lasso et des hauts fonctionnaires des garde-côtes américains et du ministère de la Défense. Cette rencontre a débouché sur deux accords de statut, l'un permettant le déploiement de marines américains le long de la côte équatorienne et l'autre autorisant le débarquement de forces terrestres américaines sur le sol équatorien, mais uniquement à la demande du gouvernement équatorien. Tout cela dans le but de lutter contre les organisations de trafic de drogue.