On a demandé à Donald Trump en 2018 comment il auto-évaluerait ses compétences: «I would give myself a A+», a-t-il répondu, alors qu'il n'en était qu'à sa première année de présidence. «Intuitivement, nous dirions probablement tous que Trump se surestime», analyse la psychologue Mariëtte van Loon, qui dirige des recherches sur la métacognition à l'université de Zurich.
«Pour vérifier l'affirmation de Trump, il faudrait qu'il définisse 10 objectifs personnels à atteindre. Puis lui faire estimer pour chaque objectif à quel point il est sûr de l'atteindre et cela sur une échelle de 0 à 100. Plus Trump échouerait dans les objectifs qu' il était sûr d'atteindre, plus sa surestimation serait grande».
Le savoir déstabilise la confiance en soi
Des études scientifiques ont prouvé que l'ignorance conduit souvent à une plus grande confiance en soi que la connaissance. Ce qui semble être paradoxal est pourtant compréhensible: par exemple, celui qui n'est pas conscient du nombre d'erreurs qu'il peut commettre dans une tâche, l'aborde avec plus de confiance que celui qui sait ce qui peut mal tourner.
Quand des incompétents surestiment leurs propres capacités, on invoque volontiers l'effet Dunning-Kruger pour expliquer ce comportement. Le nom provient des deux psychologues américains qui ont étudié le phénomène à la fin des années 90. Ils en ont décrit les mécanismes en quatre points:
- Les personnes incompétentes surestiment souvent leurs propres capacités.
- Elles sont incapables de reconnaître l'importance de leur incompétence.
- À cause de leur ignorance, elles ne développent pas leurs compétences.
- Elles sous-estiment ainsi les meilleures capacités d'autres personnes.
Les psychologues du travail et des organisations appliquent volontiers ce cercle vicieux de l'incompétence au monde du travail. Cela explique pourquoi les collaborateurs «faibles» se considèrent souvent comme particulièrement «forts» (point 1). Ils ne savent pour ainsi dire pas à quel point ils sont inconscients (point 2). Et comme ils ont l'impression de déjà tout savoir, ils n'apprennent plus rien (point 3). L'écart avec les collaborateurs compétents ne cesse donc de se creuser (point 4).
Le mécanisme de l'effet Dunning-Kruger est controversé, avertit Mariëtte van Loon, car il se base sur des déclarations très générales et ne tient pas compte ni de la difficulté d'une tâche ni de l'individu qui doit la résoudre.
Mariëtte Van Loon travaille actuellement sur une étude planifiée sur trois ans. Durant cette période, un groupe de 600 jeunes, âgés de 12 à 15 ans, sera analysé 18 fois au total. Il s'agira de déterminer comment évolue l'auto-évaluation des participants, notamment à partir des objectifs personnels et d'autres indicateurs.
Au cours de la phase où une personne devient adulte, il est particulièrement important de comprendre quelles sont les capacités acquises et lesquelles ne le sont pas (encore), explique la psychologue. C'est de cette manière que les comportements sociaux se régulent. On appelle ça: apprendre de ses erreurs. «Sur le long terme, le fait de s'évaluer correctement a plus d'impact sur une bonne performance que l'intelligence.»
Le feedback à 360 degrés
Comment faire pour s'évaluer correctement dans son travail quotidien? Le plus important est le feedback à 360 degrés, explique Mariëtte van Loon. Qu'est-ce que cela veut dire? Que l'on reçoit des retours et des commentaires sur son travail de tous les côtés – sans avoir à craindre de conséquences négatives. Le feedback direct des supérieurs est essentiel. Comme le feedback des collègues. «Pour cela, il faut se sentir en sécurité dans le groupe et ne pas avoir peur de marcher sur les pieds de quelqu'un», continue l'experte.
Elle se souvient de l'époque où elle rédigeait sa thèse de doctorat: «J'étais très bien encadrée, mais cela voulait aussi dire que lorsque je recevais des textes en retour, tout était marqué en rouge. Pour moi, c'était la seule manière de m'améliorer dans la rédaction.»