Ce serait trop cher
Martin Pfister s'oppose fermement au «Service citoyen» pour tous

Le 30 novembre, la Suisse votera sur l'initiative «Service citoyen». Celle-ci demande un service citoyen pour tous, ce qui profiterait aussi à l'armée. Pourtant, le ministre de la Défense Martin Pfister s'y oppose. Il explique pourquoi à Blick.
Publié: 11:36 heures
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Le conseiller fédéral Martin Pfister doit faire face à sa première campagne de votation.
Photo: Thomas Meier
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Anna Clara Kohler, Daniel Ballmer et Thomas Meier

L’armée et la protection civile sont confrontées à des problèmes de personnel. L’initiative «Service Citoyen» pourrait tous les résoudre d’un coup. Pourtant, le conseiller fédéral du Centre Martin Pfister se bat contre cette initiative populaire. Il explique pourquoi dans un entretien avec Blick.

Martin Pfister, l’armée se plaint depuis des années de manquer de soldats. En tant que ministre de la Défense, vous devriez remercier les auteurs de l’initiative.
Oui, si, après l’acceptation de l’initiative, toutes les personnes astreintes à servir accomplissaient effectivement leur service. Mais, l’armée ne serait pas réellement agrandie, car beaucoup seraient affectés à des tâches civiles comme la protection de la nature ou le travail social, qui deviendraient ainsi militarisés. Tout cela coûterait de la solde et des allocations pour perte de gain. En d’autres termes, à une époque où nous avons déjà beaucoup de mal à financer une armée de 100’000 personnes, nous devrions dépenser des centaines de millions supplémentaires pour des domaines qui fonctionnent déjà bien.

Mais tous les problèmes de personnel dans l’armée et la protection civile seraient résolus.
En réalité, le nombre de personnes soumises à l’obligation de servir est déjà suffisant. L’enjeu est plutôt de les inciter à réellement effectuer leur service. Nous œuvrons donc à renforcer l’attractivité de l’armée et de la protection civile. Parallèlement, les possibilités d’abandon doivent être rendues plus difficiles. Les personnes formées devraient aller au bout de leur obligation de servir.

Pourtant, à ce jour, le Conseil fédéral n’est pas en mesure de proposer une alternative pour remédier aux pénuries. Depuis des années, le DDPS planche sur un nouveau modèle de service. Le Conseil fédéral a rejeté les propositions, en raison des coûts élevés que vous reprochez maintenant à l’initiative.
Mais le Parlement a mis le Conseil fédéral en minorité et l’a chargé d’introduire un service de sécurité obligatoire. Nous sommes donc en train d’élaborer ce modèle. Celui-ci regroupe la protection et le service civil en une protection contre les catastrophes, ce qui devrait permettre de créer des conditions équitables entre les différents types de service.

Il en résulterait des coûts élevés, comme pour l’initiative «Service Citoyen».
L’obligation de service de sécurité entraîne également des coûts élevés. Il nous faut encore trouver une mise en œuvre raisonnable.

De plus, l’initiative veut l’égalité entre hommes et femmes. L’armée elle-même souhaite augmenter sa part de soldates à 10%, mais celle-ci stagne à 1% depuis des années. N’êtes-vous pas quasiment tributaire de l’initiative?
La promotion des femmes me tient particulièrement à cœur, car elles représentent un véritable atout pour l’armée. Mais, le débat parlementaire a montré que beaucoup d’entre elles ne considèrent pas le service militaire obligatoire comme un progrès vers l’égalité, mais plutôt comme une contrainte supplémentaire, puisqu’elles assument déjà d’importantes responsabilités dans la société. Bien sûr, femmes et hommes doivent avoir les mêmes droits et devoirs, mais à ce stade, cette initiative et les obligations qu’elle impose aux femmes ne garantissent pas encore une réelle égalité.

C’est peut-être vrai, mais sans l’initiative, l’armée n’atteindra jamais son quota de 10% de femmes.
Nous avons pris des mesures pour qu’il augmente et je serais ravi que davantage de femmes accomplissent leur service. Bientôt, le peuple devra se prononcer sur un nouvel outil: la journée d’information obligatoire. Elle permettra de montrer aux jeunes femmes toutes les opportunités qui s’offrent à elles, non seulement dans l’armée, mais aussi dans la protection civile et d’autres formes d’engagement citoyen.

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Un service obligatoire pour tous n'est actuellement pas nécessaire
»

Maintenez-vous l’objectif de 10% de femmes dans l’armée?
Oui, nous devons accroître le nombre de volontaires. Comme je l’ai mentionné, les femmes jouent un rôle important dans l’armée. Mais un service obligatoire pour tous n’est actuellement pas nécessaire. Nous n’avons pas une armée de 200’000 membres, et nous n’avons pas non plus les moyens nécessaires pour cela. Si nous voulons un service obligatoire pour tous, nous devrions logiquement augmenter massivement la taille de l’armée.

La plupart du temps, le parti du Centre suit l’opinion de ses conseillers fédéraux. En revanche, il a eu du mal avec l’initiative «Service citoyen». Comment l’expliquez-vous?
La demande est en principe sympathique. Mais si on l’analyse, la mise en œuvre va bien au-delà de l’objectif. Ce ne serait pas rendre service au bénévolat que de l’inscrire dans la Constitution, le rendant donc obligatoire. C’est pourquoi de nombreuses organisations de milice, comme les associations de jeunesse, s’opposent à l’initiative.

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Selon le droit international, on peut obliger les citoyens à effectuer un service militaire, mais pas à effectuer d'autres travaux
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Elles ont déjà mis en garde contre le fait que l’initiative pourrait égratigner l’interdiction du travail forcé. Mais les hommes sont déjà obligés de servir. Pourquoi un service civique généralisé poserait-il soudainement problème?
C’est une appréciation juridique. Selon le droit international, on peut obliger les citoyens à effectuer un service militaire, mais pas à effectuer d’autres travaux. Il serait donc tout à fait possible qu’après une acceptation démocratique de l’initiative, une personne concernée par la nouvelle obligation de service citoyen s’oppose juridiquement à cette obligation.

Les auteurs de l’initiative ont d’ores et déjà engagé une action juridique contre la Confédération. Ils estiment que le livret de vote n’a pas été correctement reproduit. La Confédération a-t-elle triché?
Non, le matériel de vote a été correctement rédigé. Les initiants ont eu la possibilité de présenter leur position. Des recours en votation sont déposés de plus en plus souvent. Je le regrette, mais je ne veux pas anticiper une décision de justice.

C’est votre première campagne de votation en tant que conseiller fédéral. Êtes-vous nerveux?
C’est la première, et ce ne sera pas la dernière. Nous devrons, dans les années à venir, voter sur plusieurs questions concernant la politique de sécurité. Je suis nerveux, mais motivé à bien informer sur les différents projets. C’est l’occasion de dialoguer avec la population, et c’est toujours une bonne chose à faire pour un politicien.

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