De plus en plus d'endroits bannissent la cigarette de l'espace public. Dans les métropoles italiennes de Milan et de Turin par exemple, il est devenu formellement interdit de fumer à l'extérieur. Le centre historique de Rome pourrait bientôt suivre le mouvement. Plus au nord, la Suède aspire même à devenir totalement non-fumeur.
Et en Suisse? A Genève, il est strictement interdit de fumer aux arrêts de bus et sur les aires de jeux. Ailleurs, les idées en ce sens font l'objet de débats animés, certains parlent même d'une atteinte à la liberté personnelle. Il faut dire que dans notre pays, plus d'une personne sur quatre fume régulièrement.
Mais en Suisse orientale, une petite ville a depuis longtemps banni la fumée de ses rues, et ce, sans conflit: Werdenberg, dans le canton de Saint-Gall.
Une astuce bête comme chou
Dans ce bourg médiéval, la transition vers l'interdiction de la fumée s'est faite en toute discrétion, sans même que le reste de la Suisse ne s'en rende compte. Pourtant, même dans le canton de Saint-Gall, il n'existe pas de base légale pour une interdiction générale de fumer dans les lieux publics. Pour imposer cette volonté commune, les habitants de Werdenberg ont eu recours à une astuce d'une simplicité enfantine.
Les personnes qui pénètrent dans la petite ville médiévale sont accueillies par des panneaux aux entrées. Juste en dessous de la familière interdiction de stationner rouge et blanche se trouve un panneau indicateur brun avec une cigarette barrée. «Zone sans fumée», peut-on y lire. Les premiers panneaux de ce type ont été installés à Werdenberg, il y a quinze ans déjà.
Il ne s'agit pas d'une interdiction de fumer juridiquement contraignante: celui qui allume une cigarette n'a pas à craindre de sanction. C'est «seulement» un panneau d'information qui ressemble à une recommandation. Mais cela fonctionne: le visiteur moyen ne comprend pas exactement à quoi il a affaire, et donc, dans le doute, n'allume aucune cigarette.
A Werdenberg, on craint le feu
Tout a commencé en 2010, lorsque des habitants du bourg ont exigé une interdiction générale de fumer. Mais cela n'était pas possible juridiquement. Le conseil communal de Grabs, dont Werdenberg fait partie, a alors cherché «une solution pragmatique et libérale».
Cela n'est pas seulement une question de santé. Non contente d'être l'une des plus petites villes de Suisse, elle est aussi considérée comme le plus ancien village de construction en bois du pays. Par miracle, elle n'a jamais connu d'incendie majeur au cours de sa longue histoire. Une providence à protéger.
«A Werdenberg, on vit en sachant qu'une étincelle pourrait détruire toute la ville, explique Niklaus Lippuner, député du Parti libéral-radical (PLR). Il s'agit aussi de protéger notre patrimoine.» Avec son lac et son château, Werdenberg est un petit bijou pour les yeux des visiteurs qui s'y promènent.
Un drôle d'effet secondaire
Les habitants du bourg ne semblent pas vouloir s'épancher à propos de leur réussite d'avoir fait de leur cité un lieu sans fumée. Personne ne veut s'exprimer publiquement en citant son nom.
Si quelqu'un devait tout de même s'énerver contre le panneau, voire allumer volontairement une cigarette, ce serait l'occasion d'engager la personne dans une discussion sur le patrimoine historique de Werdenberg. «Jusqu'à présent, tout le monde s'est montré très compréhensif», explique une habitante à Blick. En plus d'avoir mis les visiteurs au diapason, cette démarche a eu un effet secondaire bien particulier: parmi les habitants de la petite ville, rares sont ceux qui allument encore une cigarette aujourd'hui.
Werdenberg pourrait-elle servir de modèle pour d'autres endroits? Les panneaux d'information ont en tout cas fait leurs preuves. Ils ont été efficaces sans être polarisants.