«Comment vais-je payer?»
Cette retraitée malade finit endettée pour avoir roulé trop lentement

Un simple trajet vire au cauchemar judiciaire. Pour avoir roulé trop lentement, Bernadette Bandelier écope de près de 2500 francs d’amende, contrairement à son ami. Une affaire qui interroge sur la proportionnalité des contrôles routiers.
Publié: 25.04.2025 à 08:58 heures
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Bernadette Bandelier circulait sur la route du col du Julier au volant de son véhicule utilitaire lorsqu'elle a été prise à partie par la police cantonale des Grisons. Il lui est reproché d'avoir rouler trop lentement.
Photo: Sebastian Babic
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Sebastian Babic

Bernadette Bandelier, 65 ans, vit aujourd’hui avec une dette de près de 2500 francs envers la justice. Son tort? Avoir conduit trop lentement dans les virages du col du Julier en février 2022. Depuis, cette retraitée bernoise, atteinte de problèmes de santé et vivant avec des moyens modestes, rembourse son amende par tranches mensuelles de 50 francs. L’affaire est loin d’être close.

Alors comment en est-elle arrivée là? Le 20 février 2022, la Bernoise redescend du col avec son ami Jürg Hirschi, après avoir participé à la célèbre course hippique du «White Turf» à St-Moritz. Chacun roule avec un véhicule transportant des chevaux.

A l’approche de Tiefencastel (GR), la police cantonale les intercepte: ils auraient roulé à une vitesse jugée trop lente, estimée entre 15 et 20 km/h dans les virages. L’amende initiale: 300 francs, portée à 780 avec les frais. Mais l'histoire ne s'arrète pas là.

Un anonyme les dénonce

A l'origine de cette affaire, c'est un appel anonyme qui dénonce les deux amis à la police cantonale des Grisons. La police qui les intercepte compte une file de 175 voitures se serait formée derrière eux.

Mais la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. A Tiefencastel, trois cols se rejoignent: le Julier, l’Albula et Lenzerheide. Des voitures affluent de tous les côtés. Le nœud routier est connu pour ses embouteillages, surtout en période touristique.

L'amende infligée difficile à expliquer

Le contrôle dure près de deux heures. Les chevaux restent enfermés dans les remorques, exposés à un froid glacial de -6 degrés. «Le retour, qui dure normalement cinq à six heures, s’est transformé en un trajet de presque huit heures. Ce genre de retard n’est pas bon pour le bien-être de nos chevaux!», fulmine-t-elle encore aujourd’hui.

En mai 2022, Bernadette Bandelier reçoit officiellement l'amende de 780 francs. Elle aurait, tout comme son ami, roulé trop lentement et n'aurait pas laissé de place pour les voitures derrière elle. La protection juridique de son ami lui conseille de faire appel de l'amende. «On m'a dit qu'on avait de grandes chances de succès», raconte-t-il lors d'une conversation dans l'appartement de la retraitée.

La facture prend l'ascenseur

Et effectivement, à part le témoignage d'un automobiliste qui roulait dans le cortège et un comptage douteux par la patrouille sur place, aucune preuve n'est apportée. Bernadette Bandelier dépose alors à son tour une plainte. Celle-ci est rejetée et la facture grimpe à 2500 francs.

Contrairement à son ami, elle n’est pas couverte par une assurance qui pourrait racheter le litige. Une situation qui arrive souvent lorsque les chances de succès devant le tribunal sont bonnes, mais que la valeur du litige est nettement inférieure aux frais de procédure.

Le ministère public ne veut rien entendre

A l'époque déjà, Bernadette Bandelier souffrait d'une maladie pulmonaire (BPCO), et devait régulièrement se rendre en rééducation en raison d'une maladie antérieure. Début 2024, lors d’un nouveau séjour, elle contracte un germe. C'est précisément à cette époque qu'elle retire son opposition à l'amende, épuisé physiquement et à bout financièrement: «Je n'en pouvais tout simplement plus.»

Seulement voilà: les frais ont entre-temps grimpé à 2458,80 francs. En juin 2024, puis à nouveau en janvier 2025, elle demande l’exonération de ces frais, invoquant sa situation précaire. Ce sera son dernier espoir.

Refus catégorique du ministère public le 4 février dernier: «Sur la base des documents à disposition, on peut supposer que la situation personnelle et financière actuelle de la plaignante se présente de la même manière qu'à la date de la décision. En l'absence de preuve d'une modification ou d'une détérioration importante de la situation financière et personnelle, une remise (ultérieure) totale ou partielle des frais de procédure doit être refusée».

Environ 3500 francs par mois

Bernadette Bandelier vit pourtant avec 3500 francs par mois d’AVS et de prestations complémentaires. Une fois les charges fixes déduites, il lui reste à peine 900 francs pour vivre.

«Comment puis-je payer une amende aussi élevée dans ces circonstances... je ne sais pas», déplore-t-elle, désespérée. C'est pourquoi elle passe un accord avec le ministère public des Grisons et rembourse 50 francs par mois. «Je vais donc rembourser le tout en quatre ans environ, alors que je n'ai absolument rien fait de mal», confie-t-elle résignée, mais digne.

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