Les Ukrainiens ayant fui la guerre bénéficient en Suisse d’une protection rapide et simplifiée: c'est le fameux statut S. Ce dispositif, activé peu après l’invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, permet aux réfugiés de contourner la procédure d’asile classique.
La semaine dernière, les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne ont décidé à l'unanimité de prolonger jusqu'en mars 2027 la possibilité pour les Ukrainiens d'obtenir un titre de séjour sans passer par la procédure d'asile jusqu'en mars 2027. Mais qu'en est-il de la Suisse?
En septembre dernier, le conseiller fédéral socialiste Beat Jans avait annoncé que le statut de protection S resterait en vigueur jusqu'en mars 2026. Une annonce tout sauf surprenante, le Conseil fédéral ayant toujours suivi l'UE jusqu'à présent. Interrogé à ce sujet, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a déclaré qu'il examinait la possibilité de prolonger le statut S jusqu'en mars 2027, suivant ainsi la dynamique des autres pays européens.
«Protéger ceux qui en ont vraiment besoin»
Mais ce statut, initialement conçu comme une réponse d’urgence, fait désormais l’objet de vives critiques. Dans une intervention parlementaire récemment déposée, l’Union démocratique du centre demande purement et simplement sa suppression. La formation conservatrice estime que cette protection ne devrait s’appliquer qu’à celles et ceux qui en ont «réellement besoin».
Mais ce n'est pas tout: l'UDC souhaite également retirer ce statut à celles et ceux qui vivent déjà en Suisse. Le parti explique vouloir agir de manière progressive: «Il s'agirait de procéder de manière échelonnée et avec des délais transitoires, afin de tenir compte des contrats de travail existants et d'éviter une surcharge du système d'asile ordinaire», peut-on lire dans le communiqué.
«Seule une application conséquente des procédures d'asile régulières permettrait à l'avenir d'examiner les cas individuels et d'accorder une protection ciblée à ceux qui en ont réellement besoin», déclare Thomas Aeschi, le président du groupe parlement UDC à l'Assemblée fédérale.
Peu de soutien pour la revendication de l'UDC
Confronté à ces affirmations, le porte-parole du SEM Samuel Wyss explique que «le statut de protection S pour les personnes fuyant l'Ukraine vise à éviter une surcharge du système d'asile». Il l'assure: ce statut spécial permet de protéger les personnes qui en ont besoin, tout en garantissant le bon fonctionnement de l'asile. Fin avril, 68'916 personnes bénéficiaient du statut de protection S en Suisse.
La gauche s’oppose elle aussi fermement à l’initiative de l’UDC. «Avec cette intervention irresponsable, l’UDC s’en prend une fois de plus, sans raison, à des personnes en fuite», dénonce la conseillère nationale socialiste Nina Schläfli (TG).
Elle rappelle que l’Ukraine subit actuellement des bombardements d’une intensité rarement atteinte depuis le début de la guerre. Pour elle, la procédure actuelle reste pertinente: «La suppression du statut sans concept clair ne ferait que générer une bureaucratie inutile et compromettrait les efforts d’intégration.»
Le Conseil fédéral tarde
A droite, la proposition du parti conservateur ne fait pas non plus l'unanimité. «Des revendications générales comme celle visant à abolir catégoriquement le statut me paraissent prématurées», déclare le conseiller aux Etats PLR Damian Müller (LU). Ce dernier rappelle que le Parlement a accepté fin 2023 une motion de la conseillère aux Etats UDC Esther Friedli (SG), qui demandait que le statut S ne soit accordé qu'aux Ukrainiens provenant de régions «réellement touchées» par la guerre.
En adoptant cette motion, le Parlement a envoyé «un message clair», estime Damian Müller. «Le statut S doit être limité pour les nouveaux arrivants, mais le Parlement s’est en même temps opposé à ce qu’il soit retiré rétroactivement à ceux qui vivent déjà en Suisse.»
Reste que le Conseil fédéral tarde à mettre en oeuvre la décision du Parlement. «La définition des régions sûres en Ukraine est attendue depuis longtemps», déplore Damian Müller, qui pointe du doigt la responsabilité du SEM. Ce dernier indique que le Conseil fédéral «prendra prochainement une décision et en informera le public».