Fin de la place financière suisse?
Voici ce que le départ d'UBS coûterait à la Suisse... et ça pique!

UBS occupe une place centrale dans l’économie suisse. Un éventuel départ du pays ne ferait pas que menacer des emplois et des recettes fiscales, il affaiblirait aussi la place financière et l’influence internationale de la Suisse.
Publié: 19:01 heures
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Un déménagement du siège d'UBS serait très risqué pour le géant bancaire, rendant ce scénario peu probable selon les experts.
Photo: Shutterstock
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Holger Alich
Handelszeitung

La direction d’UBS et les syndicats se retrouvent rarement du même côté. Mais cette fois, face au projet d’augmentation des exigences de fonds propres imposées à la banque, Sergio Ermotti et ses équipes peuvent compter sur le soutien inattendu de l’Association suisse des employés de banque (ASEB).

«Avec le relèvement proposé des prescriptions en matière de fonds propres, le Conseil fédéral prend le risque d’affaiblir durablement la place financière suisse, avec des conséquences imprévisibles pour l’Etat, les contribuables et l’économie nationale», avertit l’ASEB dans sa prise de position sur la consultation. L’organisation estime que plus de 10’000 emplois pourraient être menacés en cas de transfert du siège principal d’UBS à l’étranger. En Suisse, la banque emploie quelque 34’000 personnes, dont environ un tiers à des fonctions centrales.

Un exil dangereux et risqué

Un éventuel déménagement du siège serait coûteux et risqué pour UBS, ce qui rend ce scénario peu crédible selon la plupart des experts. Mais s’il devait se produire, il serait loin d’être anodin pour la Suisse. Au-delà de la perte d’emplois hautement qualifiés, le pays verrait sa place financière affaiblie et son influence internationale réduite.

Les conséquences fiscales seraient elles aussi importantes. L’an dernier, UBS a versé environ un milliard de francs d’impôts en Suisse. Même si ce montant ne disparaîtrait pas entièrement – la banque conserverait sa filiale suisse et d’autres activités locales – la suppression de postes bien rémunérés pèserait sur les recettes publiques.

Les milieux économiques tirent la sonnette d'alarme

Pour les industriels, le départ du siège d’UBS aurait des répercussions à long terme. «Ce serait une mauvaise nouvelle pour l’économie si UBS déplaçait son siège à l’étranger, estime Barend Fruithof, CEO du constructeur de véhicules spéciaux Aebi Schmidt. Une UBS basée hors de Suisse ne garderait pas la même attention aux affaires locales. Ce serait un vrai problème pour les grandes et moyennes entreprises.»

L’ancien responsable de la clientèle entreprises de Credit Suisse juge par ailleurs les nouvelles exigences de capital «exagérées», rappelant que la Suisse possède déjà les règles les plus strictes au monde. «Nous, entrepreneurs actifs à l’international, avons besoin d’une banque suisse capable de rivaliser à l’échelle mondiale», souligne-t-il. UBS gère aujourd’hui environ 200’000 clients entreprises en Suisse.

Un acteur incontournable pour l'économie suisse

UBS joue un rôle central dans le financement des exportations, un domaine où seules les grandes banques internationales opèrent. Les établissements purement suisses ne disposent pas des capacités nécessaires. Pour les entreprises exportatrices, travailler avec une adresse suisse reste presque indissociable d’un partenariat avec UBS.

Il en va de même pour la banque d'investissement. BNP Paribas, JP Morgan ou Goldman Sachs proposent des services similaires, mais UBS est la dernière grande banque suisse offrant un éventail complet: produits dérivés, financements complexes ou émissions de titres. Même si le siège principal devait déménager, la banque resterait présente en Suisse. Mais les acteurs du marché craignent que le pays perde en importance en termes de stratégie commerciale.

Economiesuisse, la faîtière de l’économie, s’implique pleinement dans le débat. «Disposer d’une place financière forte et tournée vers l’international est un atout majeur pour la Suisse, rappelle Rudolf Minsch, économiste en chef. Les entreprises suisses s’appuient sur cette expertise pour leurs exportations et leurs besoins de financement. Si nous perdions notre grande banque nationale, ce savoir-faire disparaîtrait peu à peu et notre rayonnement international en souffrirait.»

Un pilier du système bancaire suisse

UBS n’est pas seulement une institution systémique: elle est aussi une contrepartie essentielle pour les autres banques suisses. «Même la plus petite banque régionale a besoin d’un accès à la compensation en dollars», explique un expert du secteur. En effet, toute transaction libellée en dollars doit passer par une banque autorisée par les autorités américaines à effectuer ces opérations. En Suisse, seule UBS dispose encore de cette licence.

Selon une étude du cabinet Oliver Wyman commandée par l’Association suisse des banquiers, les petites banques s’appuient souvent sur les grandes pour accéder à des produits financiers spécialisés, des services de marché et du savoir-faire. UBS occupe une place centrale dans cet écosystème, notamment en matière de formation: nombre de cadres dirigeants d’autres établissements ont commencé leur carrière chez UBS ou Credit Suisse. La Banque cantonale de Zurich, à elle seule, a recruté environ 550 anciens collaborateurs d’UBS.

Un enjeu d'influence nationale

Enfin, un éventuel départ du siège d'UBS affaiblirait la voix de la Suisse dans les instances financières mondiales. Grâce à la puissance de sa place financière, le pays est représenté au Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et au Fonds monétaire international, où il siège au Comité monétaire et financier. 

«Compte tenu de sa taille et de sa capacité d'influence politique, la Suisse est très bien représentée dans le processus de décision financier international», rappelle l’étude d’Oliver Wyman. Mais les auteurs mettent en garde: si la Suisse ne compte plus de banque d’envergure mondiale, elle pourrait être écartée des discussions qui façonnent les règles financières globales.

Un article du «Handelszeitung»

Cet article a été publié initialement dans le «Handelszeitung», un hebdomadaire économique appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.

Cet article a été publié initialement dans le «Handelszeitung», un hebdomadaire économique appartenant à Ringier AG, éditeur de Blick.

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