Avec son bord du lac somptueux, Gandria est un petit village de rêve de la ville tessinoise Lugano. A une quinzaine de minutes du centre-ville en voiture, cette ancienne commune du bord du lac, qui a fusionné en 2004 avec sa grande voisine, est composée de ruelles étroites, de vieilles maisons serrées les unes contre les autres et d’escaliers en pierre qui serpentent entre les façades.
Sur place, il n'y a presque aucun commerce. Pour faire leurs courses, il faut se rendre jusqu'à Lugano. Ceux qui viennent passer leurs vacances à Grandria apprécient son calme, son isolement et son cadre parfaitement propice au farniente.
Et pourtant... Durant la deuxième semaine de juillet, ce petit havre de paix a été brusquement réveillé par une opération de police. Des agents ont en effet parcouru le village maison par maison, interrogeant aussi bien les résidents que les vacanciers.
«Vous passez la nuit dans un Airbnb?»
Martina Müller*, une lectrice de Blick, en a fait les frais. En vacances avec ses trois enfants à Gandria, elle se trouvait ce matin-là sur un petit ponton au bord de l’eau, lorsque quatre policiers en civil sont apparus devant elle.
«Vous passez la nuit ici dans un Airbnb?», a demandé l'une des policières. La vacancière a répondu par la négative et a voulu comprendre la raison de cette démarche. «Nous voulons contrôler s'il y a des Airbnb qui ne sont pas déclarés», a assuré la policière.
La police de Lugano ne souhaite pas commenter directement l’opération menée à Gandria. Elle précise toutefois que son service travaille actuellement sur une intervention parlementaire adressée au Conseil communal. Le sujet concerne l’usage abusif des résidences secondaires et des logements touristiques au bord du lac de Lugano. Cette intervention émane très probablement de Sinistra Unita (la gauche unie), parti politique qui siège au sein du Conseil communal de Lugano.
Lugano doit dénoncer les abus
En mars dernier, Sinistra Unita a adressé une lettre au conseil communal de Lugano, dont Blick a pu consulter une copie. Elle y exprime son inquiétude face à la hausse des résidences secondaires et appelle à une réflexion sérieuse.
Le but est d’éviter les abus et de préserver l’accès au logement pour la population locale. Intitulée «Airbnb sans contrôle sur le Ceresio?», surnom du lac de Lugano en italien, l’interpellation signée par plusieurs élus de la Sinistra Unita résume la situation à l’aide des données disponibles dans la presse et les statistiques officielles.
Les locaux sont évincés
Le parti de gauche souligne que le nombre de logements proposés sur Airbnb à Lugano a explosé de manière incontrôlée ces dernières années. En un an seulement, les locations de courte durée au bord du lac ont bondi de 24%, atteignant 1102 appartements. La part des appartements de vacances à Lugano représente donc 2,7% du parc immobilier de la ville, un chiffre bien plus élevé qu’à Zurich (1,4%), Lucerne (2%) ou Genève (1,8%).
Cette évolution a des répercussions négatives sur les Luganais. «Hausse des loyers, pénurie de logements accessibles pour les habitants et difficulté croissante à se loger», peut-on lire dans le texte.
Les élus demandent que la ville tienne à jour des données claires sur les résidences principales et secondaires, et les publie chaque année. Ils souhaitent aussi savoir quelles mesures le conseil communal compte prendre pour mieux encadrer le phénomène et éviter les dérives.
Le Tessin serre la vis
Le canton du Tessin a déjà instauré depuis 2022 des règles plus strictes que dans le reste de la Suisse. Toute personne louant un logement à des vacanciers doit désormais s’enregistrer. L’objectif est d’identifier les propriétaires qui échappent à l’impôt ou à la taxe de séjour.
Les particuliers ne peuvent proposer leur logement à la location touristique que pendant un maximum de 90 jours par an. Au-delà, ils sont considérés comme prestataires professionnels et doivent obtenir une autorisation communale supplémentaire.
D’après le «Corriere del Ticino», Gandria n’est pas le seul quartier de Lugano à faire l’objet de contrôles. La ville a mis sur pied une unité spéciale chargée d’inspecter les logements et de repérer les locations illégales. Pour l’heure, la police ne souhaite pas communiquer de chiffres sur les cas de fraude identifiés.
* Nom modifié