Au 15e étage d’une tour de bureaux du nord-ouest de Shanghai, les agents sont intervenus en mars dernier. Ils ont saisi des sacs à dos, des bouteilles thermos, des stylos et de nombreux autres articles bon marché. Tous portaient le nom de la marque Swiss Peak et un logo avec une croix suisse.
Les autorités chinoises ont mené cette opération sur mandat de la Suisse. L’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) suit de près l’utilisation d’une croix suisse ou de la mention «Swiss made» à l’étranger. Car qui dit Suisse, dit aussi qualité suisse. Les conditions exactes sont régies depuis quatre ans par la loi «Swissness».
La Chine, paradis de la contrefaçon
Mais les fabricants de Swiss Peak n’en ont cure. Et ils ne sont pas les seuls. Le volume de faux produits «de qualité suisse» et de contrefaçons de marques suisses dans le commerce est énorme, affirme le conseiller aux États schaffhousois Thomas Minder. La Chine est de loin le plus grand acteur du marché des contrefaçons: près des deux tiers dans le monde proviennent de l’Empire du Milieu.
Le Parlement veut désormais contraindre le Conseil fédéral à renforcer la lutte contre les faux produits «Swiss made». Le Conseil des Etats a déjà adopté une intervention en ce sens de sa Commission de politique extérieure. À présent, le Conseil national devrait se prononcer sur la question.
«La Suisse ne doit pas accepter sans agir»
Mais que peut bien faire la Suisse contre les bandes de contrefacteurs chinois? Le gouvernement doit intervenir «au plus haut niveau politique» en Chine, demande le conseiller aux Etats. Le thème doit faire partie de l’accord de libre-échange avec la Chine, en cours de développement.
Thomas Minder admet que ce dernier point restera probablement un vœu pieux: «Mais nous devons au moins confier ce thème à la délégation de négociation». La conseillère nationale socialiste Jacqueline Badran rejoint cet avis: «L’intervention est au moins un signal politique clair que la Suisse n’acceptera pas cela sans réagir».
Le Conseil fédéral veut éviter les conflits
Le Conseil fédéral en revanche ne veut pas se fâcher avec la Chine. La ministre de la Justice Karin Keller-Sutter estime que beaucoup a déjà été entrepris ces dernières années. Depuis trois ans, les autorités chinoises envoient en Suisse chaque demande d’enregistrement d’une nouvelle marque contenant le mot «Swiss» ou la croix suisse.
«Les chiffres confirment que cela fonctionne», soutient David Stärkle de l’association Swissness Enforcement, responsable de la lutte contre la fraude à la croix suisse. Si en 2012, il fallait encore intervenir plus de 100 fois par an, cela n’a été nécessaire que dans 14 cas l’année dernière.
Toutefois, David Stärkle précise que «le nombre de cas non recensés est très élevé». Les autorités suisses n’ont pas connaissance de tous les faux produits «Swiss made». Ou alors elles les découvrent lorsqu’ils ont été sur le marché depuis longtemps déjà.
(Adaptation par Jessica Chautems)