«J'ai rédigé environ 160 offres d'emploi.» Pascal M.* pensait qu'il trouverait rapidement du travail après ses études. Après tout, avec des diplômes de deux universités en Suisse allemande, il avait des atouts à faire valoir. Le jeune homme de 30 ans a obtenu un Bachelor en biologie puis s'est spécialisé dans le domaine de l'écologie pour son Master. Il a ensuite obtenu un Doctorat en géographie avec magna cum laude (ndlr: avec grande louange), la deuxième plus haute mention pouvant être obtenue. Mais maintenant, environ deux ans plus tard et aucune réponse positive, il est désabusé.
Après de longues recherches, il a tout de même fini par trouver un stage. «Mais le salaire est ridicule et ce n'est pas dans le domaine où je souhaite travailler.» Auparavant, il s'était inscrit à l'ORP pendant huit mois. Son contrat expire à la fin de l'année et il n'a toujours pas de perspectives d'emploi fixe.
Marché du travail saturé
Les jeunes qui veulent entrer dans le monde professionnel doivent actuellement faire preuve de patience. La situation sur le marché du travail est tendue. L'Adecco Group Swiss Job Market Index et l'Université de Zurich le montrent: par rapport à la même période de l'année précédente, il y a actuellement 3% de postes en moins qui sont proposés. Les emplois dans le domaine de l'informatique, dans le traitement des dossiers, dans l'administration et dans le domaine du commerce sont particulièrement touchés.
Même ceux qui ont un diplôme universitaire ou d'une haute école spécialisée ne sont pas épargnés par les difficultés à trouver un emploi. Selon l'Office fédéral de la statistique, le taux de chômage des diplômés des hautes écoles est passé de 2,7 à 3,2% entre 2021 et 2023. Et les chiffres actuels du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) le confirment: par rapport au moins d'août de l'année dernière, environ 4% de plus de diplômés universitaires de moins de 30 ans étaient inscrits à l'ORP.
Sous-qualifiés ou surqualifiés
Une étudiante en science politique qui a terminé son Master à l'Université de Zurich à l'été 2023 se trouve dans une situation similaire. Jusqu'en mars, cette trentenaire, qui souhaite rester anonyme, a effectué un stage administratif d'un an, et depuis, elle est à la recherche d'un emploi, sans succès jusqu'à présent. «Je suis ouverte à différents domaines, mais pour l'instant, il n'y a guère d'ouvertures», confie-t-elle à Blick. Soit elle est trop qualifiée pour les stages proposés, soit on cherche des spécialistes et des cadres qui ont plus d'expérience professionnelle qu'elle.
Pour les quelques rares places de travail qui restent, beaucoup postulent. Un constat partagé par les recruteurs. «L'un d'eux m'a dit qu'il n'avait jamais reçu autant de candidatures», explique la jeune femme. Pour un poste où elle avait déposé son dossier, 95 personnes se seraient manifestées en quelques jours.
Peu d'offres d'emploi
Gerd Winandi-Martin dirige le centre de carrière de la Haute école de Saint-Gall (HSG) et observe cette évolution depuis un certain temps. «Nous constatons une demande croissante de conseils individuels et d'ateliers de carrière», explique-t-il. Sur la plateforme de carrière de la HSG, par rapport aux années précédentes, le nombre d'offres d'emploi est en baisse.
«Entrer sur le marché du travail est actuellement plus difficile», admet Gerd Winandi-Martin. Alors que dans le domaine des cols bleus, c'est-à-dire dans l'artisanat et l'industrie, on continue à rechercher des spécialistes, la demande pour les emplois en col blanc a nettement diminué.
Le réseau des services de carrière des Universités suisses, qui recense chaque mois le nombre de postes mis au concours sur les plateformes de quinze unis et hautes écoles suisses, le confirme: d'avril à juin, le nombre d'offres d'emploi était inférieur de 17% à celui de 2024, et même de 31% pour la même période en 2023.
Situation économique tendue
Cette situation est également due à la conjoncture économique, explique Edgar Spieler, expert du marché du travail. Il fait référence à la politique douanière des Etats-Unis, à l'appréciation du franc par rapport au dollar ou à la lenteur du développement économique au sein de l'UE. Le fait que les jeunes étudiants soient plus touchés s'explique aussi par le fait que les entreprises sont plus réticentes à recruter en cas d'incertitude. «Avant de licencier du personnel, beaucoup d'entre elles imposent d'abord un gel des embauches.»
Mais il y a aussi de bonnes nouvelles pour les jeunes demandeurs d'emploi. Ils sont certes les premiers à être impactés par une situation économique tendue, mais ils sont aussi les plus susceptibles d'en profiter lorsque l'économie redémarre. Cette assertion comporte toutefois une grande inconnue: l'intelligence artificielle.
Le taux de chômage pourrait atteindre 20%
Edgar Spieler pense que, à l'avenir, l'IA se chargera surtout de tâches peu complexes. «Cela impacte en premier lieu les personnes manquant d'expérience, car ce sont précisément ces tâches qui nous sont confiées au début d'une carrière.»
Aux Etats-Unis, où le taux de chômage des diplômés universitaires a récemment augmenté de manière significative, des remarques analogues ont été formulées. Ainsi, Dario Amodei, chef de l'entreprise d'IA Anthropic, a déclaré dans une interview que 50% des emplois de début de carrière des diplômés universitaires pourraient être supprimés au cours des cinq prochaines années. Conséquence: le taux de chômage pourrait atteindre 20%.
L'IA et la Suisse
Et qu'en est-il en Suisse? Jusqu'à présent, aucune entreprise n'a ouvertement confirmé avoir embauché moins de personnel à cause de l'IA. Mais il est clair que de nombreuses entreprises misent de plus en plus sur elle. Le Swiss Job Market Index attribue déjà cette tendance et l'utilisation croissante de l'intelligence artificielle à la baisse des emplois dans le domaine de l'informatique.
Edgar Spieler ne veut toutefois pas tomber dans l'alarmisme. L'expert ne pense pas que les entreprises suisses renonceront à la relève à cause de l'IA. «A long terme, les entreprises ont besoin de jeunes talents, ne serait-ce qu'en raison de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée et de l'évolution démographique.»
Malgré toutes ces difficultés, Pascal M. ne compte pas abandonner. «Quand je suis convié à un entretien d'embauche, je suis généralement convoqué pour un deuxième.» Le jeune homme de 30 ans reste persuadé que des métiers qu'il exercerait avec passion existent quelque part.
* Nom modifié